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images du monde inéluctable
jeudi 8 septembre 2016
Sénèque
Alexandre Desplats, River (’Tree’, 2011)
Dans les replis de Paradis, là où toutes les rues grimpent vers la Basilique, la ville fait un angle avec cette partie du réel où je suis par hasard perdu, cherchant la première rue qui descend. C’est une image récurrente dans les rêves : chercher son chemin, qui change à chaque seconde. Ici, l’arbre planté dans le vent pourrait être un point de repère : mais non. C’est simplement un hasard ou une aberration, quelque chose du monde qui résiste en dépit du bon sens. Simplement une image. Elle dit ces jours, qui basculent sur un pivot immobile et indifférent : elle dit ce qui bascule et elle dit l’indifférence. En quelques jours ici, la ville s’est vidée de ses touristes : mais les vagues sur la côte possèdent même rythme et même lassitude, même fougue. On échoue toujours comme ces vagues sur une telle image : un arbre planté dans le vent, tordu et arrogant, qui danse dans l’immobilité de septembre sans que personne ne le voit, sauf un qui fatalement, follement, le prendra comme un point de repère de ces jours au moment de plonger vers Castellane, emportant entre ses mains une autre image, celle d’une vie blottie en elle-même qui renverse toutes les autres.
Plus tôt, le matin, c’était une autre image qui semblait surgir d’un rêve : sur le campus Saint-Charles, le bâtiment des sciences humaines percé de trous où, à intervalles réguliers, on indique les accès pour les pompiers. Impression qu’on a construit cela seulement pour les incendies. Que sans les incendies l’immeuble est inutile, inachevé même. Oui, une autre image du monde, de l’inéluctable perte à laquelle elle se voue joyeusement, préparant soigneusement sa destruction prochaine, dans le respect des normes qu’il édicte scrupuleusement. C’était jour de pré-pré-rentrée à l’université : où anticiper les directives, organiser les contre-attaques avant les offensives, toutes ces manœuvres sur le champ de bataille invisible des institutions. On est toujours dans l’avant. Les images sur ma route ne cessent de désigner l’image possible de ces jours. Par exemple, le soir, de nouveau cette fleur entêtante dont j’ignore le nom : et dont l’ignorance tient pour une grande part dans son évidence.