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issue du ciel (planter un arbre)

mardi 20 août 2013



Nous manquons de témoin, et qui est pur le matin, tel qu’il le souhaite et qu’on le souhaite, ruine cette pureté le soir par dégoût d’être quoi que ce soit sous le soleil et sous la lune.

Georges Perros

Le ciel est sans issue, nous en avons la mémoire mais où commence la route ? On a construit des villes de plain-pied avec le sol, quelle erreur, quel échec. Il aurait fallu creuser plus haut dans le ciel, c’était pourtant simple à comprendre.

Le vieil homme, seul assis sur ce trottoir, sa vieille guitare sèche massacrée, les yeux rouges et vides, le corps en lambeaux : « mais si je l’aime, mais si ; c’est la seule qui peut me sauver » (il répétait cela en boucle, seul, vraiment tout seul, comme rarement être seul).

Le train est une machine qui éloigne, toujours, où qu’on aille : l’imaginaire des trains est une fuite, est-ce que j’en mesure la peine ? On n’est jamais assez loin pourtant, jamais.

Le désir d’impureté, d’être mélangé à tout ce qui pourrait m’affecter, être poreux au temps et à ce qui exauce la tristesse et la joie, et la douleur et son épreuve qui la rehausse : grand, immense.

Dylan toute la fin de journée, self-portrait, ses chutes : parfois à en pleurer, d’évidence.

Et vrai que l’espagnol est une si belle langue, si belle : Soft as music, light as spray.

Mi-août est un temps mort, celui où on peut se livrer au temps et à sa mort lentement, amplement, et je le fais avec urgence, comme on court très vite les premiers mètres d’un marathon, pour en finir (non pas avec le marathon, mais avec soi-même).

La jeune fille dans ce café, qui dit tous les gestes qu’elle fait, et toutes les pensées (je paie maintenant oui je regarde dans mon sac si j’ai la monnaie oui j’ai la monnaie très bien je préfère payer maintenant c’est mieux voilà monsieur je vais lire un peu ici il y a du soleil c’est bien je reste ici une petite heure une heure peut-être deux une heure c’est bien il fait beau encore il ne fait pas trop chaud c’est bien merci monsieur) – sa solitude éclabousse jusqu’ici (elle lit Voyage avec un âne dans les Cévennes.)

Il y a dans les derniers jours du mois d’août 1870, une chaleur écrasante - je le devine. J’ai cherché la météo du 29 août 1870 sans trouver. C’est là qu’on écrit, peut-être.

Il n’y a personne ici. L’issue de ces jours m’est incertaine, je sais pourtant que cela commencera par regarder dans le ciel pour voir où se lève le soleil ici et où il se couche. Quelque part où je ne suis pas, sans doute. Et planter un arbre.