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Jrnl | À mesure qu’on réalise le possible

[20•12•22]

mardi 20 décembre 2022


On ne réalise jamais tout le possible, on en fait même naître à mesure qu’on en réalise.

Gilles Deleuze, L’Épuisé

Celui qui nageait un vingt décembre dans une eau à dix degrés ; celle qui chantait dans sa voiture et dont je ne verrai que le profil agitant les lèvres dans le silence de ma voiture ; celui qui tendait la main en regardant dans le vide le vide à la porte de la boulangerie ; celui qui consacrait l’hostie devant les derniers croyants — ceux qui avaient perdu la mémoire et regardait celui qui consacrait l’hostie pour eux, sans savoir ce qu’ils faisaient là et pour quoi — ; celui qui en haut de la piste cherchait le chemin pour redescendre au plus sûr, au plus vite, et ne faisait que perdre du temps devant la carte ; celui qui cherchait le sommeil et ne trouverait que des souvenirs qui l’empêchaient de dormir : images de la solitude ce mardi la veille du solstice.

On est toujours la veille du solstice où qu’on soit dès qu’on pense au solstice et qu’on sait qu’arrivera, devant soi, le solstice et tout ce que le solstice apporte, occulte, achève — toujours la veille même son lendemain ; il n’y a que la veille du solstice (ce soir) où le solstice paraît cette immensité vague et terrible, à peine existante ; la preuve : je l’écris.

Celui qui nageait ce vingt décembre dans une eau à dix degrés ne nageait pas : il marchait à la bordure des choses et à travers la solitude elle-même, froide et indifférente.