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Jrnl | D’accusation de violence
[11•05•23]
jeudi 11 mai 2023
Le grain de blé qui germe et fend la terre gelée, le bec du poussin qui brise la coquille de l’oeuf, la fécondation de la femme, la naissance d’un enfant relèvent d’accusation de violence. Et personne ne met en cause l’enfant, la femme, le poussin, le bourgeon, le grain de blé.
Jean Genet, « Violence et brutalité », Le Monde, 2 Septembre 1977
L’époque est peut-être née pour cela : dire ce qui relève de la violence d’une part et de la brutalité d’autre part, opérer le distinguo définitif qui sépare les deux côtés de la matraque, entre celui qui reçoit le coup et le rend ; et celui qui le donne parce qu’i le peut, qu’il est le pouvoir : qu’il doit prouver à ses propres yeux qu’il le détient, qu’un pouvoir ne sert que si on s’en sert, si possible sur le crâne du premier venu sur quoi le pouvoir s’exerce, que face aux grenades de désencerclement, on ne possède que nos mains nues (qu’on nous arrache), et les yeux pour pleurer (qu’on nous arrache aussi), et qu’il faut regarder pour cela et pour ces yeux arrachés les images ne sortant des manifestations, tandis que, dans la foule, on se contenterait d’avancer, battre le pavé tandis qu’il est chaud, que l’on crie, que le monde derrière soi fait ce bruit de tonfa sur les boucliers en Plexiglas, que le soir tombe sous leurs coups, et que des lendemains les relèvent.
Le vent chasse les nuages comme si ce n’était pas lui la proie, que derrière l’orage se tient prêt, tapie dans son ombre, va se jeter sur lui et le dévorer.
Le miracle des roses : incompréhensible, presque scandaleux, et puisqu’il est interdit d’arroser, d’autant plus terrible, implacable.