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Jrnl | De savants mystères
[25•09•28]
dimanche 28 septembre 2025

« Simplicités des lunes anciennes, vous êtes de savants mystères pour nos yeux injectés de lieux communs. »
André Breton & Philippe Soupault, « Éclipses », Les Champs magnétiques (1919)
Les hauteurs de San Blas quand on plonge le regard vers la Plaza de Armas qu’on ne fait que deviner, ou dans l’Albaicín en cherchant l’Alhambra tout près invisible le soir, ou qu’on contourne le Thống Nhất Park sous la pluie qui dissout Hanoï sans rien effacer de sa plainte, ou celle des dunes de Mazurga en lisière du village chleuh Ait Atta perdu dans le noir — un dimanche soir comme celui-ci, qu’en reste-t-il, en dehors des pensées aussi perdues qu’un chien dans Campagne Pastré que son maître appelle en vain depuis trois jours chaque soir ? Je ne sais pas, alors je pense aux hauteurs de Graça et à la vue qu’elle donne sur le Tage, à l’angle que fait Christopher Street quand elle vient heurter West Street vers le pier 45, à la couleur de l’eau devant Penetanguishene ou sur la baie du Tonnerre, à tous ces hurlements de coyote dans les forêts intérieures qui manquent à cette vie.
J’achète le journal : sur chaque page, le dégoût qui prend la forme de la honte, lentement, d’être mêlé à ça, de près ou de loin, quoi qu’on fasse.
Le tronc échoué face à la mer semblait tendre encore tout son être vers le large, d’où il venait, où il désirait retourner : j’allais dire : rentrer — la mer est le cimetière de la jungle, et la rumeur des vagues leurs prières : l’écume, la sève quand elle est pleurée.


