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Jrnl | Égratignures du vent

[05•02•24]

jeudi 2 mai 2024


Non seulement l’eau est toujours prête à bouillir, et n’attend que d’être chauffée, mais l’océan lui-même au comble de sa fureur, n’a de forme que celle de son lit qu’un continent affaissé l’oblige d’occuper. Le reste est égratignures du vent.

Henri Michaux, « La nature, fidèle à l’homme », Lointain Intérieur, 1948.


La violence est une langue natale, lis-je dans le journal du jour censé m’adresser des nouvelles — plus bas, je lis : « la parole des victimes génère un effet de rupture de sens » : ce monde ne paraît être fait que pour écraser et laisser des corps à demi-vivants dire qu’ils le sont et comment le demeurer, et devenir autre chose que du passé. Dans le journal encore, les facs occupées là-bas pour réclamer qu’on arrête les massacres en cours, insultées ici parce qu’on considère qu’en faisant cela elles sont complices des massacres d’hier ou à venir (on ne sait plus très bien) : dans le journal, la confusion est telle qu’on ne sait plus ce qu’on lit, les crachats ou les larmes — mais on lit malgré tout à chaque page, chaque ligne, combien la domination a force de lois, qu’elle dicte son agenda, impose l’ordre du jour.

Le vent n’a pas d’autres directions que ce qui l’entraîne plus loin que lui ; l’arbre aussi, qui s’enfonce à mesure qu’il gagne le ciel ; et le ciel ? Le ciel s’éloigne à mesure que l’arbre tend vers lui : les théorèmes n’ont pas besoin d’être démontrées dans les chiffres pour s’établir en nous, devant nous — la preuve.

L’enfant me raconte ses rêves : la nuit dernière, chaque chose se transforme en requins pour le dévorer. Alors l’enfant a décidé de transformer son rêve en requin pour qu’il dévore chaque chose et qu’il puisse se réveiller, sain et sauf.