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Jrnl | Et toute la plage s’effondre
[23•06•24]
dimanche 23 juin 2024
Autrefois, quand la Terre était solide, je dansais, j’avais confiance.
À présent, comment serait-ce possible ?
On détache un grain de sable et toute la plage s’effondre, tu sais bien.
Henri Michaux, La Ralentie, 1937
L’ombre d’une ombre qui se dissipe pour laisser voir toute la saleté de la nuit : et qu’elle n’est que le sol de la ville, ce sur quoi on fait peser notre corps pour aller, d’un endroit à l’autre de ces jours, plus épuisé le matin que le soir et le soir, d’avoir tiré les heures jusque là, incapable de se dire qu’il faut recommencer : et on recommence : l’ombre est toujours là, les ombres sous elle et sur elle qui vient aussi, arrive : s’il fallait tirer le portrait de l’époque il suffirait de jeter sur le trottoir des aplats d’ombres et on parviendrait se voir — en crachant sur le sol pour mieux observer le reflet des étoiles dans la salive pas assez épaisse de l’épuisement : mais il faut garder la salive, non pour les jours meilleurs, mais pour ceux qui viennent et sur quoi il faudra bien s’armer de tout ce qu’on peut, de tout ce qu’on a.
J’ai longuement observé le solstice, et pas seulement politiquement, mais aussi politiquement (la méchanceté de l’époque se mesure encore à cela qu’on n’échappe pas à cette fatalité que tout ne peut s’observer que politiquement), pour tâcher d’arracher encore de la lumière à sa disparition : et puis, c’était fini : les jours vont rétrécir désormais, on entre dans l’hiver.
Malgré tout, la seconde qui précédait cet hiver du 21 juin, nous avons tous pu voir cela : l’indifférence du ciel, les courses des enfants contre les vagues, les cris de dépit des vagues défaites, et il fallait prendre des forces à cela aussi, qui semblait s’abolir en nous, dans les ombres, les menaces, l’envers des promesses et tout ce qui troublait le fond des choses où nous entrons.