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Jrnl | L’histoire de cette « descente aux enfers »

[06•12•22]

mardi 6 décembre 2022


Une fois persuadé que j’écrivais ma propre histoire, je me suis mis à traduire tous mes rêves, toutes mes émotions, je me suis attendri à cet amour pour une étoile fugitive qui m’abandonnait seul dans la nuit de ma destinée, j’ai pleuré, j’ai frémi des vaines apparitions de mon sommeil. Puis un rayon divin a lui dans mon enfer ; entouré de monstres contre lesquels je luttais obscurément, j’ai saisi le fil d’Ariane, et dès lors toutes mes visions sont devenues célestes. Quelque jour j’écrirai l’histoire de cette « descente aux enfers », et vous verrez qu’elle n’a pas été entièrement dépourvue de raisonnement si elle a toujours manqué de raison.

Nerval, Les Chimères (1856)

S’il est vrai que le soleil tombe attiré comme tous corps vers le fond des choses où il finira bien par reposer, il est tout aussi vrai que ce fond est le centre même de toute réalité où rien ne repose, noyau noir et terrible, inatteignable — on ne l’approche que pour en faire le tour et de là reprendre de la vitesse pour mieux être relancer vers les bords du monde : cette loi de la physique n’ayant pas besoin d’être prouvé, étant éprouvé à chaque instant du soir par celui qui regarde la nuit venir dans la mer, quand l’hiver approche.

Le rire dans la phrase de Nerval, je l’entends terriblement, sa voix inflexible entre ses guillemets, le claquement de sa langue juste avant celui de ses talons au moment de me tourner le dos et de s’éloigner, avec ce geste quand il remet le chapeau et que son ombre va se confondre avec la ville dans Châtelet qui l’attend.

Replongeant dans mes photos de Paris entr’aperçu la semaine dernière, je constate qu’il n’y a que des escaliers : montant, descendant la plupart, formant ces géométries âpres, incontestables mêmes, dessinant quelque chose des errances intérieures où se livrer — lignes de fuite sans perspective et simples tracées de la réalité sans plan antérieur, le monde en l’absence même de direction : pure immanence ou butée sur quoi je ne cesse de me perdre.