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Jrnl | L’une pour tuer l’autre

[12•04•23]

vendredi 12 mai 2023


Il faut toujours avoir deux idées : l’une pour tuer l’autre.

Georges Braque

Il n’a été tiré de ce texte aucun exemplaire sur Yearling blanc ou Madagascar, pas même sur vélin pur fil, ni sur alfa satiné, il n’y eut aucun retirage grand format, sur Hollande, sur Japon, sur vélin Or Turner, ou sur Ronsard, sans parler des vélins d’Arches, Annam de Rives, et Montval : et quand on songe au bruit que cela devait faire de frapper avec le roseau sur l’argile humidifié par un peu d’eau arrachée à l’Euphrate, on ne le peut pas, c’est inimaginable alors je me réfugie dans la voix de Dom La Nena qui chante, murmure plutôt, les mélodies de Llhasa ou de The National, et de l’écrire ici, de le frapper, cela suffit pour passer ce jour (bien sûr que non).

Une partie de l’après-midi, je l’aurai passé cherchant les gestes que fit Alexandre Le Grand au pied du tombeau d’Achille au cap Sigée, certain que cela rejoindrait la somme de mes ignorances, et : je trouve : alors, je les dépose ici, en mémoire : ainsi-a-t-il accosté à l’aube avec des cavaliers thessaliens garants du culte sur les rivages de Troade ; on a approché du Tumulus sacré dont on a fait le tour, à cheval, par cercles concentriques ; puis, soudain, on a rejoué une charge de cavalerie qu’on a abattu presque au bord du talus ; enfin, on a adressé les prières et fait les sacrifice : non pas le taureau voué aux héros, mais l’agneau noir dédié aux dieux — la cérémonie, tant guerrière que religieuse, s’est achevé on s’est retiré, non sans invoquer contre l’ennemi perse Darius, qu’on a couvert d’injures, lui et ses chevaux dont on a hurlé les noms : Balios et Xanthos, et on s’en est allé — c’est par de tels rituels — que je retranscris ici scrupuleusement comme autrefois les scribes de Babylone, et avec la même attention désinvolte que Philostrate — qu’on sait que le monde autrefois a eu lieu et s’est perdu, sans qu’on sache où ; d’ailleurs, on ignore aujourd’hui où se trouve le sépulcre d’Achille, pas plus que le sarcophage d’Alexandre, ou les cadavres des chevaux de Darius.

Je prends des photos dans Turbulence Bâtiment des Arts comme si c’était des pierres dans une carrière ouverte en me disant que cela pourra servir, mais à quoi — une pierre peut lever une maison, ou se jeter sur des hommes en armes, je ne sais pas, décidément, je ne sais rien.


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