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Jrnl | La force de penser davantage
[06•01•23]
vendredi 6 janvier 2023
Je suis jeune et je ne dois rien à personne. Rien ne m’intéresse que ma propre destinée. Il resta muet comme si cette phrase lui avait ôté la force de penser davantage.
Copi, La vie est un tango
Le présent est tout ce qui existe. (Je retrouve dans une vieille note de la machine quelques phrases jetées au hasard, je sais bien que c’est moi qui les ai déposées là, mais sans aucun souvenir de quand, d’où, n’importe, je les retrouve là, c’est un portrait sans visage de phrases suspendues à leur propre absence, échouées comme des poissons morts.) Le vieillissement tel qu’on le connaît appartiendra bientôt au passé. (C’est ainsi peut-être qu’on écrit : en abandonnant.) Le milieu de nulle part. (Puis, il est possible que j’ai volé ces phrases, arrachées comme de mauvaises herbes aux trottoirs — les mauvaises herbes n’existent pas, il n’y a que notre impatience et notre désir de vouloir que tout pousse selon notre volonté — d’un geste rageur et tendre.) Les arbres ne se couchent qu’une fois morts.
C’est comme quand on achève un livre : on le sait parce qu’on l’observe comme un étranger, qu’on ne le reconnaît plus, qu’on est de l’autre côté de lui avec le sentiment que c’est lui qui sait, qui a raison, qui nous a tout pris et nous console désormais : que nous sommes son enfant.
Excéder sa propre dimension. (Je ne ferai rien de ces phrases.) On ne marche pas sur la route ; on marche dans la nuit. (Rien.) La nuit nous contient. (Il faudrait savoir tuer des vieilles phrases comme des insectes.) Le sang qui coule hors de nous, allongés, nous grandit. (Il faudrait ne pas s’en vouloir d’avoir commis tant d’oubli, d’avoir placé tant de soi dans ce qui s’évanouit sans raison.) Le soleil fait le mort.