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Jrnl | Ouvrir le métro, la nuit
[02•12•22]
vendredi 2 décembre 2022
Ouvrir le métro, la nuit, après la fin du passage des rames. En tenir les couloirs et les voies mal éclairés par de faibles lumières intermittentes.
Par un certain aménagement des échelles de secours, et la création de passerelles là où il en faut, ouvrir les toits de Paris à la promenade.Guy Debord, Projet d’embellissement (revue Potlatch, 1956)
Les bruits d’abord, ou cette absence de bruit franc, plutôt cette lame de fond qu’est le bruit ici, et ici-bas surtout, dans les métros à Paris qui sont les lieux où Paris ressemble à mes souvenirs : un bruit profond et sans interruption, sans variation, une émotion de bruit à quoi s’attache la peur et la douceur d’en réchapper pour un temps tandis que les regards se croisent et disent tant de l’hostilité pure ou du plaisir de ne pas lui être voué et pour un temps encore on y croit : et puis, il y a cet écrasement des perspectives, l’envers absolu de l’horizon, le contraire d’un paysage : seulement la matière pure de ville dressée entre soi et tout ce qui n’est pas soi : la ville du dedans de la ville.
De retour à Paris donc, pour quelques heures : train de quatorze heures le vendredi qui me déposera le temps d’une soirée, avant retour demain matin six heures, quelle vie entre deux portes battantes (aucune ; seulement la sensation de partir, de rentrer).
J’allais oublier : dans Paris, mesurer à intervalles réguliers la marche forcée vers l’homogène, les quartiers qui semblent les mêmes, toujours façonnés pour chasser de plus en plus d’humains ; ici, ce pourrait être aussi un ventre vide ; il y a cette lumière jaunâtre avec laquelle j’ai appris à prendre des photos, autrefois, qui ne change pas puisqu’elle appartient à autre chose qu’à la ville, mais au sentiment jeté sur la ville par nos souvenirs jusqu’à présent.