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Jrnl | puisque rien là n’écoute
[05•12•22]
lundi 5 décembre 2022
il s’allonge sur le sol — se ramasse — bras et jambes repliés — position prénatale et tombeau — identité — ainsi — rarement — quand il s’épuise ou pleure — agonise quotidienne dans des gémissements muets — sans doute — puisque rien là n’écoute — rien ne se mêmle à sa voix — isolement du silence
Danielle Collobert, Il donc (1976)
L’image : l’acteur, qui manie le bâton comme un fusil, le traite d’abord comme un fusil, souligne son poids, sa forme ; mais puisque l’art commence lorsque le fusil lui-même est traité comme un bâton qui est traité comme un fusil, tout se renverse et se confond en même temps, autant dire que ce qui apparaît, dans le geste de l’acteur qui manie le bâton pour donner l’illusion qu’il s’agit d’un fusil, c’est la disparition du bâton et du fusil — et le surgissement de l’art, la croyance dans l’abolition de la réalité au profit de ce qui n’existera jamais, mais qui pour cela ne peut avoir lieu que dans le cauchemar de la réalité qu’est le théâtre.
Mon corps ne m’appartient pas ces jours, il est livré de nouveau tout entier à ma respiration, ces jours d’hiver qui sont de retour au fond des poumons et déposent avec le froid la lenteur du souffle, le poids sur la poitrine, les sommeils à demi qui font naître des images étranges avec bâton, fusil chargé pour de faux et tiré pour de vrai sur mon imaginaire.
On se souviendra de ces jours comme ceux où on aura refusé de changer de monde pour mieux le remplacer par un souvenir.