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Jrnl | Si vous êtes encore des pierres et des animaux

[27•02•23]

lundi 27 février 2023


Je ne puis que faire souvenir — et pas davantage ! Remuer des pierres, changer les animaux en hommes — est-ce cela que vous voulez de moi ? Hélas ! si vous êtes encore des pierres et des animaux, cherchez d’abord votre Orphée !

F. Nietzsche, Le Gai Savoir

Il ne reste rien de ce qu’on deviendra ; il a neigé sur l’Étoile — ce matin une couronne de givre dessinait sur l’horizon du massif une ligne plus appuyée de blancheur frottée contre le ciel, nous étions contraints de regarder pour une fois ce qui nous entourait ; du corset montagneux qui fabrique chaque jour l’appui sur quoi nous allons, du matin au soir dans la ville, se dégageait soudain le relief comme ces gargouilles des cathédrales aux gueules grandes ouvertes sur le ciel pour mieux mordre dans leur propre malédiction : Marseille n’était pas sous la neige, mais comme cernée par ce qui tout autour était tombé et ne l’atteignait pas : on s’enfonce dans le jour armés de ces images qui ne veulent rien dire, rien.

En rentrant, le souvenir du froid me prend : je l’avais oublié, il est là, mais posé sur une seule main : se peut-il que le corps ait tant oublié d’avoir froid pour que le froid ne m’atteigne que d’un côté ? Le temps que la pensée me traverse et le froid avait gagné l’autre main, le bras, les lèvres, le ventre, les entrailles.

Les rêves bizarres des nuits de demi-sommeil et de fièvres : plus précis, plus insistants aussi, plus terribles évidemment : et qui reviennent d’un demi-réveil l’autre sautant la veille pour continuer et se répandre encore et encore pour me laisser comme en demeure responsable d’eux : charge alors de leur donner forme, mais comment ?