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l’arène se vide

dimanche 28 février 2021


Mais la lumière revient / Le plaisir de fumer / L’araignée-fée de la cendre à points bleus et rouges / N’est jamais contente de ses maisons de Mozart / La blessure guérit tout s’ingénie se faire reconnaître je parle et sous ton visage tourne le cône d’ombre qui du fond des mers a appelé les perles / Les paupières les lèvres hument le jour / L’arène se vide

Breton, « Du rêve » (New York, octobre 1943) in Signe Ascendant

On est avant, disent les uns ; on est après disent les autres ; tout complote pour qu’on ne soit pas pendant. Tout dès lors, avec nos forces qui restent, doit lutter à faire de ce pendant la seule matière vive où nous débattre, où aller, où forger d’autres hypothèses sur nos réalités condamnées. On est pendant : la phrase doit sans cesse se rappeler sous peine, comme les vérités anciennes, de se changer en mythe, autant dire en oubli.

Pendant que le jour tombe, pendant que la nuit se lève, pendant que l’hiver s’efface, pendant que je deviens de la cendre dans des pensées perdues, pendant que tout cesse, pendant que seul demeure ce qui s’éteint, pendant que les arbres font naître douloureusement ce qui fabriquera leur ombre, pendant que les derniers poètes s’effondrent, que Dylan vend ses œuvres à des fonds de spéculation, que rien ne résiste, que tout cède, que tout se ferme autour de nos yeux sous nos yeux, qu’il n’y a pas de mot, et qu’on les invente pour mieux leur résister, pendant que la phrase cherche à enfanter, pendant que les subordonnées récusent l’idée même de principales, pendant que tu t’endors,

À l’endroit où s’achèvent les arbres commence le ciel ; au lieu où les colères se transforment en corps commence la force de tout recommencement. Là où se termine le monde commence ce qui le rendra possible. Où les lèvres se taisent, les tiennes. Où la révolution s’effondre d’autres qui se souviendront du lieu et creuseront les fosses commune pour en arracher les peaux qui restent, lècheront le os, les creuseront au canif pour y inscrire des mots illisibles.


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