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l’horizon qui encercle (et donner le change)
jeudi 9 mai 2013
Donner le change, j’ai eu cette expression en tête tout le jour, elle m’est venue je ne sais pas pourquoi, alors que je lisais ces pages de Michelet (en fait, bien sûr, je sais pourquoi - et j’ai pris mille notes) : lecture, d’une haleine, du Livre 6 de La Révolution Française, décembre 1792, j’ai passé du temps pour choisir cette date, maintenant je sais que c’est là, enfin, je sais que c’est janvier, et qu’il faut comprendre décembre pour cela, Vergniaud, surtout, est la clé. Je n’ai rien vu du matin qui était monté au dehors, et qui avait commencé de redescendre quand je suis parti de la chambre pour affronter le réel (mais Mille Rêves en moi font de douces brûlures ).
Le réel, dehors, tout étalé, là, tellement là. Heureusement, en partant, j’avais fait la liste de ce qui me le rendait impossible (j’en étais soulagé.) Le change, je pensais que c’était cela, et une question de monnaie à rendre, à retourner, quelque chose d’un échange d’argent. En fait, pas du tout : c’est un terme de chasse, la ruse de l’animal poursuivi qui détourne ses poursuivants sur les traces d’une autre bête. Je ne pensais pas qu’une telle ruse pût naître d’un animal traqué (j’aimai fort sur le champ cet animal : j’étais son frère alors). (Puis, par instants, mon cœur tendre est comme un aubier /
Qu’ensanglante l’or jeune et sombre des coulures.
)
Donner le change : c’est, en parlant de la bête poursuivie, réussir à dérouter ses poursuivants ; on contraire, ses poursuivants prennent le change, abandonnent la bête poursuivie pour se lancer malgré eux sur une autre voie.
(Et, quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,) j’ai remonté tout Alésia en marchant droit la ville basse, gagné la chambre, vide (avais besoin du corps épuisé pour commencer le soir), oh tout ce qui bruit, et comme on voudrait se livrer entièrement parfois à des solitudes, et écrire et lire et le soir marcher dans les rues pour voir comme on n’appartient à elle qu’en défiance (et les aimer pour cela aussi, en frère, aussi) – être la bête poursuivie, et ses ruses, et donner le change mille fois, ou mille changes à la fois.
Sans téléphone depuis trois jours, je regarde le monde comme si je ne pouvais le voir (le recevoir : le vérifier (le prendre en photo), l’accepter), alors désarmé face à lui, je le vois de biais, et là, encore, je donne le change. (ces images, prises pour épuiser la batterie définitivement, pour en tester la vie encore : sûr qu’il n’y avait plus rien en lui : et pourtant, si (mais je n’ai pu saisir que le sol, une surface neutre, sur laquelle je piétine ces jours) (une allégorie ?))
Les poursuivants sont là pourtant, me retrouveront fatalement, je sens déjà l’haleine du monde sur ma nuque et cherche une buisson d’orties, un arbre où aller, un lac où plonger – mais je ne trouve devant moi qu’un terrain vague et de l’horizon qui m’encercle.
Aller plus vite, passer l’horizon, fuir ses traces.