arnaud maïsetti | carnets

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la chambre de vision

mercredi 1er décembre 2010



Colors And The Kids (Cat Power, ’Moon Pix’, 1998)


De N...

... On n’a plus le droit de voir hors de la chambre de vision. Vous comprenez, il y avait trop de monde dehors. Comment les surveiller ? Ils allaient partout. Il devenait pratiquement impossible de les tenir et puis, forcément, ils recevaient par les spectacles de la rue et de partout des impressions diverses.
Alors ? L’Unité d’un peuple, nous n’allions quand même pas la laisser partir en miettes...

Henri Michaux (Face aux verrous, ’XI. Nouvelles de l’étranger’


Remonter la pente, on dit cela, non ? Mais la pente est froide (ce n’est pas la pente, évidemment, c’est l’air autour, mais quelle différence). Plus les rues sont longues ici, plus elles sont froides — c’est un fait, je ne lutte pas contre les faits. J’avance seulement parce que la rue continue, et s’il fait froid, la rue n’y peut rien. La semaine tout entière s’y agglutine. Je la remonte.

Dans le contre-jour (le contre-jour lui aussi est plus féroce dans le froid, ce doit être une question d’horizontalité de la lumière, de pesanteur de l’air ?), impossible de voir un seul visage. Tant mieux, dit la voix en moi qui ne saurait pas les regarder. Mais les corps qui me frôlent sont là pour dire la ville. Pourtant, quelque chose m’inquiète. Personne ne remonte dans la même direction que moi, et il me semble que je suis seul à avancer par là.

Rêve : je marche dans les couloirs d’un bateau qui coule. Et j’avance pour remonter à la proue encore immergée. Mais tous les passagers que je croise vont dans l’autre sens, persuadés qu’eux marchent vers la surface. Mais on ne voit pas les visages : et comment parler à qui n’a pas de visage.

Du Louvre, garder les images de la lumière et du contre-jour dans le ciel noir au-dessus de la tête. Les seuls visages que je vois sont sur les tableaux accrochés. Et dans la tête, les visages des morts.