arnaud maïsetti | carnets

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la loi de cette ville

vendredi 27 novembre 2009

est-ce normal que dans cette ville les faits perdent de leur précision ? et la mémoire des faits, leur prégnance ? ce qu’il me reste, c’est seulement leur éclat, comme un moment arraché à une étendue de temps, et qui persiste. mais dans la succession des instants, impossible de reconstruire une durée. je me tiens là, et les secondes se succèdent ; je suis l’une d’elles, et plus rien n’est la conséquence de rien ; je dure et c’est la seule preuve que le monde me traverse encore.

c’est ainsi, je l’ai appris : dans cette ville, quand on se penche vers le trottoir et que le regard tombe sur le sol, il se recouvre de petites tâches noires et de plus en plus gros, bientôt comme le poing. on lève la tête : il pleut. c’est ainsi ; et sur le fleuve : surface perclue de flèches d’eau, le temps se rengorge, la pluie tombe jusqu’à ce que je sois rentré. je l’ai appris : la pluie tombe le temps que je suis dehors, c’est ainsi.

alors dans cette ville : quand je croise ceux qui la peuplent, sans les voir parce qu’avec les faits, ce sont les contours des hommes qui perdent de leur précision ; sans les voir, mais en devinant leur présence étrange à la réalité des faits - et je sais bien que je suis avec eux, occupe dans le temps la même minute qu’eux, mais pourtant : ce qui nous sépare est sans mesure -, je me demande, parfois à haute voix, comme si je m’adressais au ciel et aux visages, les confondant dans leur brutalité et leur silence : s’il pleut sur eux aussi, ou non.

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