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la nuit n’est pas (ce que l’on croit)
samedi 25 mai 2019
Nerval, Aurélia
You don’t know what it’s like to be around you / I still got my fear
Le revers du feu — l’envers du jour : non, la nuit, c’est seulement enfin le lâcher-prise après la fatigue, et la remontée de ce qu’on ne nomme pas, jamais. Puisque la nuit est désormais lente, qu’elle vient si tard, dans le jour avancé sur lui-même (j’écris, il est neuf heures du soir et le jour s’accroche de toutes ses forces aux branches), quand on se retrouve soudain, au milieu d’une phrase qu’on écrit rageusement, enveloppé d’elle encore plus fatigué, qu’on est surpris par elle, il est trois heures, il faut aller se coucher, on ne tirera plus rien de soi. Mais la nuit est tellement nombreuse. Vers quatre heures, je me réveille : une autre nuit commence ; quand je m’endors peut-être, une autre encore. Et avant ? Les rêves se bousculent, je les retrouve parfois écris sur le téléphone : je n’avais pas rêvé.
Notes de bas de page : je prends de moins en moins de photos : à cause de la lassitude, à cause aussi du sentiment du vol, celui de l’épuisement à me sentir extérieur ; puissante et sereine envie d’habiter désormais le dedans des choses, qui me ravage.
Les matins, très tôt, n’ont de commun que les heures. Des tâches qui s’accumulent ces jours — loin des plateaux désormais, et dans les montagnes administratives (qui donnent envie de se consacrer pleinement à la rédaction d’alexandrins définitifs et vains) —, je retiens seulement ces heures arrachées : la lumière près du lycée Thiers vers 7h30 ; le sommeil du chat au Champ de Mars ; la description du Bar du Peuple ; l’ivresse dans Noailles ce soir-là ; le nom de Thérèse Gellée ; la musique propre aux embouteillages ; le passage sous les ponts ; les appels en absence ; le contraire des appels en absence ; le sentiment de l’imminence.
La nuit est le sentiment de l’imminence. Et l’imminence ne peut avoir lieu que la nuit. Quand soudain il faudra partir vers de nouvelles aubes dont j’ignore la couleur.