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labyrinthe
samedi 8 août 2009
(...) Alors, on se laisse perdre dans les rues fermées de la ville : enfant, on nous apprenait — c’était simple — pour sortir du labyrinthe, il suffisait de poser la main contre la paroi, celle de droite ou celle de gauche, peu importe, et d’aller en la suivant, elle nous conduirait fatalement au bout : on pouvait marcher les yeux fermés dans le labyrinthe, pas besoin de fil ou de miettes de pain, la paroi froide contre la main, les doigts frôlant à bout touchant la pierre, et le chemin démesurément allongé, les détours qui n’en finissaient pas, mais qui étaient le chemin le plus sûr vers la sortie : c’était simple.
Dans cette ville on revenait toujours au point de départ ; on ne quittait jamais l’endroit où l’on était : sous le pas, toujours le même sol, toujours le même toit de ciel qui se déplaçait plus lentement que nous et qui donnait cette impression de sur-place : et quand on se retourne, les ombres des autres nous devancent, toujours et en tout lieu, c’est ainsi — les parois des villes n’ont pas d’aspérité, on les touche mais elles se rétractent, elles se ferment sur les ongles, elles se changent et parfois s’ouvrent en deux, laissent voir d’autres couloirs qu’il faut reprendre pour trouver la sortie (c’est la règle, la seule : il faut toucher la paroi jusqu’au bout pour parcourir dans sa totalité l’ensemble du périmètre intérieur du labyrinthe).
On réalise peu à peu que la géographie de la ville est celle que tracent derrière nous les pas – qu’elle ne préexiste à rien, à nulle autre chose que nous marchant au-devant d’elle et l’articulant à des parois toujours nouvelles : on se rend compte que la forme de la ville suit la marche dans laquelle on se perd ; on ne se perd pas dans la ville, mais dans cette marche qui lui donne une direction, un sens toujours renouvelé à chaque pas, reformulé à chaque pas contre le pas précédent — nouvelle ville à chaque fois : le monde n’est pas disposé autour de nous, c’est le geste qui dispose du monde autour de soi à chaque mouvement ; leçon de la ville qui ne nous donne aucune clé, qui nous enfonce en elle plus profondément jusqu’à ce qu’elle devienne la fatigue qu’en marchant on a fabriqué avec les parois de la ville changées peu à peu en couloirs. On marche au-devant d’elle, c’est tout. On marche dans la fatigue qu’on construit à chaque pas, et on dessine ce labyrinthe qu’on nommera plus loin ville, ou décombres. (...)