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le centre vide de la ville (il y a beaucoup de ciel)
jeudi 14 novembre 2013
Il y a beaucoup de mer. Phrase de marin pour dire (je ne sais pas vraiment, j’imagine : une mer formée, avec des creux, des trous, des murs d’eaux soudain qui viennent s’abattre comme des oiseaux morts, des corps de plein désir) — et chaque matin, c’est cette phrase qui me vient pour dire (je ne sais pas vraiment, il y a tant de ciel, comme dire que)
Pour aller vers la ville, et en sortir, passage obligé par la Rotonde — en faire le tour comme d’une centrifugeuse : mais au lieu de prendre de la vitesse, ralentir ici toujours, polarité étrange dans le vacarme des voitures ; impossible de traverser, on dessine avec son corps le tour du centre vide, comme de la main sur le corps pour approcher sans le toucher ce qui rompra dans le cri le désir.
Des statues, on marche autour d’elle comme des évidences pour qu’elles ne nous touchent pas, et de tourner tourner dans le sens inverse de la terre et des étoiles et des mers, peut-être arriverait-on à renverser les forces et faire tourner la terre et les étoiles et les mers de l’autre côté.
Novembre — la seule anagramme de novembre est le mot lui-même : lui-même n’est l’anagramme de rien.
Mais du ciel, l’anagramme est la lice : cet espace vide entre deux forteresses, l’espace où se déroulaient des joutes, et chez Villon, les joutes elles-mêmes, celles des corps jetés dans les corps désirés, des lèvres mordues pour ne pas avoir à crier le désir lui-même,
Crépuscule du crépuscule, qui s’abat comme le temps à peine déshabillé de soie.
Cris, cris du loin qui n’appellent pas, qui disent juste comme est loin le temps où le corps levait le ciel avec lui quand il disait : je m’effondre.
Et veille dans l’aube où je m’enfonce, que la nuit vienne maintenant.