arnaud maïsetti | carnets

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Le voleur de fleurs

[Jrnl • 13·10·22]

jeudi 13 octobre 2022


Sur la montagne
La lune éclaire aussi
Le voleur de fleurs.

Kobayashi Issa

Ainsi on dépensait l’essence qu’on avait dans le seul but d’en chercher, afin de le consommer immédiatement à la recherche d’essence — la boucle était sans doute bouclée, mais elle revenait sur elle-même, le moyen confondu avec le but devenait cette finalité sans fin dont nous avait parlé les philosophes pour nous promettre l’avenir : rien ne se perdait, rien ne se créait, tout se détruisait, et l’homme jugeait que cela était bon puisqu’il faisait de chaque soir un jour : ce matin, devant les stations — tandis que je songeais aux merveilles des drames à stations du haut Moyen-âge —, ils auraient pu se massacrer les deux types qui attendaient, oui vraiment, je l’ai vu dans leurs yeux, et moi, bien sûr, j’aurais pu les séparer et les appeler à davantage de raison et de patience, mais non, je les ai regardés, un peu écœuré et attendant moi aussi (mais quoi ?), et puis j’ai fermé la vitre et j’ai monté le son de la radio ; le Kyrie lamentable recouvrait tout.

Par delà les grèves et les monts, avait doucement hurlé Rimbaud, et je sais bien qu’il en appelait plutôt aux rivages des mers, mais tout de même ; la grève générale aussi connaît des ressacs, des morsures vagues, des désirs furieux de tempêtes et des enfants rieurs cherchant à provoquer les marées.

La lumière qui descend, les feuilles qui tombent, les corps qui se retirent, les sommeils, les peurs qui deviennent des terreurs et les terreurs qui prennent la forme des nuits, tout cela qui fond sur nous, lentement, résolument, et qu’on appelle l’existence portant malgré tous les espoirs que rien n’arrivera ; en attendant, d’où vient cet épouvantable désir de provoquer l’adversaire ?