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les mots les plus simples doivent suffire
samedi 21 août 2021
Et toujours je pensais : les mots les plus simples
Doivent suffire. Si je dis ce qu’il en est
Chacun sentira son cœur se déchirer.
Tu vas périr si tu ne te défends,
Ça, tout de même, tu le comprendras.Brecht, (Poèmes, 1940)
Ciels de Touraine : les plus impermanents que je connaisse, les plus transitoires, qui ne font que passer, et passant, se laissant aller, traînant et traînant à eux une part d’eux-mêmes, pas la plus lumineuse, la part la plus traînante, la plus obstinée à demeurer ciel de traîne sur paysage de centrale nucléaire, ciel nombreux sous quoi la sorcière de Panzoust fait les rêves aussi peccables que ce ciel éclaté, grenade de ciel, lâche, rêveur : ciel qui nomme ce qu’il en est de nous quand on laisse en arrière cette part de soi secrète dont on se défait pour mieux oublier le secret, afin qu’il le demeure.
Jours de grande lenteur, dans le pli d’août, qui pourrait être celui de l’année — les heures s’accrochent comme dans les ronces aux chaleurs ; les moustiques nous dévorent ; le sang qu’on a sous les doigts quand on les frappe n’est peut-être pas le nôtre ; on marche sur la ville tapissée de masques morts ; on prend des douches glacées ; au milieu de la nuit, la fenêtre est ouverte sur le peu de fraîcheur que cette vie nous concède, on la prend aussi, en regardant ces heures qui ne comptent pas : vraiment, ce pli gorgé d’attente est comme une vengeance sur les mois à venir où tout se bousculera de nouveau, où chaque heure précipitée sur l’autre dévorera tout. Se livrer entièrement aux heures vides et en éprouver immédiatement la nostalgie, le luxe perdu. Songer le vingt-et-août au gel et aux premières neiges comme pour mieux se laisser traverser par la soif : journal de ces jours.
Dans les rues, alors que toute l’organisation forcenée du monde pousserait aux luttes, la seule lutte qui s’organise est incompréhensible. Regarder les samedis se remplir aux appels de ceux qui hurlent les libertés comme un dernier caprice d’enfant tandis que meurent en silence ceux qui voudraient seulement de quoi respirer : face à face, les images sidèrent. Par-dessus s’ajoutent celles du Beyrouth qui se vide comme un corps ; de Kaboul ; des feux en Kabylie. Et par-dessus encore, celle-ci qui les emporte déjà toutes : pour la première fois, il pleut au sommet du Groenland.