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les pierres cachées de la ville
mardi 5 août 2014
Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, — les fleurs qui regardaient déjà.
Rimb.
Sur les pierres, les arbres ; toute une ville autour, on ne sait pas si la pierre est dessous ou autour ; on a planté des lampadaires sur les pierres et les arbres leur ressemblent, ce sont peut-être autre chose. Jours de chaleur et de froid ici à la fois, et toujours cette lenteur sur la ville au matin quand il faut aller d’ici à là-bas, et que personne ici ne semble l’habiter - les touristes prennent en photos les façades vides, boivent un café tiède au même endroit que nous, l’hiver, quand tout ruisselle dans le gris et l’attente des jours meilleurs qui nous chasseront — ils ont fait des milliers de kilomètres pour ne pas le savoir.
En sortant de la Gare de Lyon, sur la pierre l’inscription affirmant que c’est de la pierre (je ne sais même pas si cela en est : plutôt du béton, du ciment quartzé, quelque chose comme ces nappages de bitume qui recouvre le bitume pour qu’on ne voit pas la terre) — couler une longue plaque de béton sur tout cela irait plus vite. Et les arbres par dessus, pour qu’on puisse croire que la Création est un ajout à la ville.
Ici, sur la première page des journaux, le décompte des morts fait oublier les visages de ceux qui meurent, là-bas — l’autre côté de la mer est si proche, c’est à quelques heures. Les statistiques neutralisent les morts : elles rendent pensables les corps en morceaux sous les décombres. Dès qu’un visage apparaît pourtant, la statistique s’efface et les enjeux qui voudraient nous expliquer le pourquoi des morts. C’est couvert de terre, la pierre transformée avec la boue et tout cela collé sur le visage. Il n’y a que des prénoms et on ne dit jamais les prénoms des morts quand sous les gravats on les soulève pour les enterrer. Ici, la ville passe si lentement, ce n’est pas le même monde. Peut-être que ce sont les mêmes pierres ?
Sans doute le type qui a écrit rapidement à main levée ces mots pensaient à une vieille chanson inoffensive ; moi, je l’ai lue sans y penser, songeant plutôt que sur la pierre, dans ce monde, la phrase notait la légende d’une toile qui disparaissait. Puis la mélodie idiote était revenue en moi, a tout gâché.
(Pierres des villes, pierres de Gaza, pierres dans la lune, monde de pierres, pierres dans la bouche, pierres tu es )
J’apprends qu’on a déposé une œuvre d’art sur la lune : Fallen Astronaut. Une statue d’un astronaute tombé (ou tombée ?). La poussière immobile qui la recouvre désormais et comme de toute éternité relève sans doute de l’œuvre.
— oh les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! —Rimb.