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lignes du sol
mardi 15 juin 2010
(sol) s. m.1° Surface sur laquelle reposent les corps terrestres. à deux pieds du sol.
Il ne faut pas bâtir sur le sol d’autrui. Le sol de cette ville est inégal.
Un de ces beaux jours qu’on ne voit plus à mon âge et qu’on n’a jamais vus dans le triste sol où j’habite aujourd’hui, J. J. ROUSS. Confess. IV.
Sur un plan, on pourrait dire cette rencontre possible ; sur un plan droit et posé sur le sol, dans l’axe de la rectitude des choses — il y aurait la possibilité de cette rencontre ; il y aurait les deux droites qui vont, et se coupent : il y aurait l’intersection, les angles de chaque côté de l’intersection (aigus, obtus), et dans l’entrechoc, la permutation de l’ordre du monde, et l’orientation nouvelle du réel.
Mais sur une feuille de papier chiffonné, formant une boule dans la main pleine d’encre, papier si déchiré qu’on pourrait voir à travers de lui le monde indifférent à son échec : les lignes se chevauchent, se superposent dans le désordre et même plusieurs fois mais ne se rencontrent jamais : finiront par former des lignes insensées de silence.
Sur l’écran de l’ordinateur, la surface verticale possède la rectitude lisse du trottoir de ma ville ; j’y marche comme dans une autre de mes rues, le bruit du monde qu’il me renvoie n’est pas différent des moteurs et des cafés, des bibliothèques à ciel ouvert, et la musique que j’entends m’enveloppe comme elle enrobe les cités, peut-être. Les lignes tracées sur l’écran figurent de minuscules pavés tels qu’en les soulevant on pourrait voir les histoires du monde réinventées ; grouillantes comme des insectes : prêtes à recouvrir ma peau, à formuler les rencontres véritables.