Accueil > JOURNAL | CONTRETEMPS (un weblog) > New-York, face au vent
New-York, face au vent
samedi 27 août 2011
Blowing In The Wind (Live On TV, March 1963)
The answer, my friend, is blowin’ in the wind, / The answer is blowin’ in the wind.
C’étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde,
De très grands vents en liesse par le monde, qui n’avaient d’aire ni de gîte,
Qui n’avaient garde ni mesure, et nous laissaient, hommes de paille
En l’an de paille sur leur erre... Ah ! oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !
Saint-John Perse (Vents)
La ville, c’est ce monde lointain ; la ville, je ne l’ai jamais foulée. Quand je pose mon front sur la vitre, je la vois, elle est de l’autre côté. Je l’ai approchée quelques heures, c’est lorsque je me tenais sur la pointe Ouest du Raz, Finistère – jamais été si près : Pointe du Raz : dernière sortie avant New York. Déjà, le vent.
C’est Rome, ou Constantinople, c’est une manière de monde. C’est un rêve intérieur. C’est de la musique, et des images ; c’est une ville de fer, toute construite de plein pied avec le ciel ; verticale, comme une ville debout avant d’apprendre à marcher. C’est une ville qui appartient à ses habitants, et je ne l’habite pas. Elle est plus lointaine d’être en moi si proche. C’est une ville de vitesse, et il me faudrait une journée entière pour la rejoindre : je ne la rejoins pas.
Ce soir, pensées à elle qui fait face, dans le vent – j’imagine déjà le bruit des immeubles cent mètres au-dessus du sol, vibrer dans le vent ; le bruit du vent dans les avenues, toutes creusées droites et croisées sur une terre de remblais, et la mer autour. Le vent arrive en tournant. On a demandé à la population de partir : les habitants sont restés. Sans doute pour le seul désir étrange de voir : comment une ville fait pour tenir, ne pas s’éparpiller : comment une ville s’éparpille quelques heures, puis demeure.
Ici, le vent que je ressens sur le visage est une sorte de caresse lointaine de la ville : le vent est le même, d’un bout à l’autre du monde, le vent est cette secousse une et lente qui se répand sur cette terre, que l’on a en partage : le vent est ce partage. Entendue cette définition tout à l’heure : une droite est un cercle au rayon infini. Si la terre est cette droite, le vent est ce rayon. Mais tout aussi bien : si le vent est cette droite, la terre est ce rayon.
Je voudrai être celui qui, à main levée, dessine le cercle, et ne l’achève pas.
Pensées à New York, la ville sous le vent ce soir – la ville qui a toujours été pour moi image de ville intérieure : et dans cette semaine pour moi, souffle de vent qui participe encore de l’allégorie mentale. Pensées à New York, aux vitesses mesurées par le vent dans la ville-vitesse : à l’énergie des forces déplacées, aux litres de ciel déversés. De ce côté-ci de la vitre, pensées à la ville invisible, vibrante, et envolée sur toutes faces de vivants.