arnaud maïsetti | carnets

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orsay, le soir ou l’aube

dimanche 8 juin 2014


On reconnaît les premiers jours de chaleur à la soif nouvelle, rue de la Croix Nivert on reconnaît les impasses aux cris de cet homme qui pleure, plus loin à Cambronne, on reconnaît les statues à leur ombre, celle de Lyautey, ridicule dans les grandes phrases lancées au vent, on reconnaît les grandes phrases au ridicule, et au vent, on reconnaît la marche ce soir à ce qu’elle conduit jusqu’ici, c’est-à-dire à la soif,

tout à l’heure, j’ai reconnu ce pont sous l’arche au premier cheveu blanc, et le cimetière de puteaux aux blocs des immeubles levés à ses pieds, et j’ai pensé : la terre commence derrière le fleuve,

ce matin, j’ai reconnu le temps à la pluie, et la pluie à la sécheresse, le sol trempé de la sueur du ciel peut-être, tous marchaient comme s’ils piétinaient cette fatigue sans effort qui s’écoulait de toutes choses, alors je me suis arrêté un peu, et j’ai voulu ne penser à rien d’autre,

en pleine nuit, les rêves sans images qui frappent : se dire que dehors le jour est à peine couché alors que c’est le milieu de la nuit ; le jour s’allonge comme dans un lit ces jours où il pourrait presque toucher l’aube, et nous au milieu, nos rêves qui se multiplient dans les soirées brûlantes pour qu’on les retienne tous.

On reconnaît le musée d’Orsay à sa forme de bateau échoué là pour devenir une gare ; de l’autre côté de la rive, on reconnaît la forme des vagues à sa propre silhouette, ici un roman de quelques phrases s’est écrit et perdu, et sur les murs derrière moi les lumières des péniches qui passent semblent rejouer les anciens feux pour cogner aux parois du Palais, glisser et s’échapper dans le passé, disparaître avec la nuit, ou est-ce déjà la première lueur du jour