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porte condamnée
mercredi 10 février 2010
Porte trop étroite et trop haute ; sans fond, sans largeur et sans horizon. Porte si faible de vie qu’on passerait dessous sans y entrer ; porte condamnée.
On se tient devant telle rue — porte qui est à elle-même sa rue et sa hauteur, son ciel tout entier, sa ville en circulation unique, dépourvue de maisons, juste du sol et des murs autour — et c’est comme entendre une rime jamais entendue, ce mot qui grince dans la mâchoire et qu’on ne reconnaît pas mais qui laisse le monde vide après lui, déserté de tout ce qui l’avait rendu nécessaire, légitime.
On se tient devant cela, une ombre qui détale mais on n’a rien vu, une ombre qui va s’élancer plutôt, qui est sur le point d’arriver, et qui ne vient pas ; un cran retiré du rêve, en arrière, c’est toute la peur qui fige : on est devant cette rue et quelqu’un va passer, c’est sûr ; et que personne ne passe ne change rien au fait que dans la seconde, oui, quelqu’un va traverser en courant : et nous dévisagera. On serait bien resté toute la nuit s’il n’y avait pas eu le jour qui.
Dans le rêve que je décrypte mal, moi seul sous cette porte, immense et sale comme un quai de la Seine, comme le lit de la Garonne si large qu’on ne voit jamais l’autre rive qu’en fermant les yeux, et les bruits de pas d’un type qui ne vient pas : tout cela qui se mêle avec la rime inconnue, un vers qu’on ne retrouvera jamais ; ou alors, il faudra revenir sous cette porte, dans ce rêve, (à attendre sans savoir pourquoi le type dont on est sûr et certain qu’il va passer, et montrer son visage pour démasquer le nôtre), et cela, non, pas question : jamais.