arnaud maïsetti | carnets

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quelques liqueurs d’or

mardi 18 septembre 2018

Pleurant, je voyais de l’or — et ne pus boire. —

Rimb.



Patti Smith, After the Gold Rush



C’est le soir qui tombe partout. C’est se dire je suis libre, je marche dans le sens inverse du train qui m’emporte vers le nord, c’est se dire le soir ne tombe pas c’est la nuit qui se lève, c’est se dire le monde va finir et recommencer ailleurs, c’est se dire je suis encore un enfant, c’est se dire je ne mourrai pas de mon vivant, c’est se dire la révolution des astres est une leçon : je marche dans le sens inverse du train qui m’emporte vers le nord, et des pensées me viennent en désordre comme autant de mensonges auxquels on voue sa vie.

De l’autre côté de la rentrée, est-ce la sortie ?

La fatigue du matin n’a pas de nom : celle du soir, on sait que c’est la fatigue, l’épuisement qui précède l’effondrement – mais celle du matin ? Elle n’a pas de nom : on dit que c’est de la fatigue, mais après six heures de sommeil ? Rien n’a de sens dans les mots, et c’est eux qui désignent ce qu’on vit. Il faudrait renverser ces gouvernements là aussi.

Dans le soir qui tombe, on se relève : le train continue d’aller contre le vent et malgré la terre qui roule sur elle-même, malgré la fatigue et les insultes du monde, malgré les cris des enfants dans la voiture douze, malgré le café froid mais brûlé, malgré le retard de vingt-deux minutes et d’un siècle, malgré les mots qui manquent et les visages des morts jeunes, malgré la terreur des nuits, l’ennui des jours vacants, malgré tous les malgré de la vie, dans le soir qui tombe, j’aurais été au moins celui qui aura vu ce soir-là, tomber. Je ne sais pas si cela suffira pour nommer ce jour : il aurait fallu l’écrire.