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quels mondes & qu’en faire
dimanche 6 novembre 2016
Au détour de cette vie, après de nombreuses nuits et autant de jours traversés pour rejoindre la nuit, on se retrouverait soudain – fatalement – comme moi devant cette statue perdue près d’un rond-point d’une ville anonyme et banale du sud de la France, et le soir tomberait précisément ici même.
Lentement regarder la statue pour y déceler dans sa mélancolie une force possible n’empêche pas le soir de tomber et la nuit peut-être d’arriver encore, dans un monde impossible et abject, dans lequel je m’enfonce pourtant avec une joie nouvelle, une vie de plus.
Ce serait l’image de ces jours.
L’homme qui dresse le poing face au soir dont le nom s’efface se lève devant moi pour poser sur mon corps son ombre : l’homme qui dresse le poing est entre le monde et la vie comme un appel. De Camille Pelletant, je connais seulement sa phrase célèbre qui fut sa position morale, sa dignité et sa lâcheté aussi : pas d’ennemis à gauche. Et son visage, qu’on moquait – la barbe lourde, le regard terrible. J’ignorais qu’il était d’ici, et qu’ici encore, il montrait un poing rageur sur une terre qui le méprise.
Qu’en faire ? Désormais, ce sera la question : refuser de regarder seulement, ou d’accepter, mais se demander : qu’en faire ?
Dans la folie de ces jours où la vie neuve apprend à voir le jour – ignorant tout du cycle des nuits et des jours –, c’est une leçon. Oui, c’est sans doute folie de lâcher une vie dans ce monde impossible et abject, mais c’est peut-être aussi lui répondre.
Une façon de lever un poing rageur dans le ciel rouge et noir d’octobre, et songer à novembre déjà, à décembre : à ce qui vient déjà, qui commence.
Le lendemain, prendre un train de nouveau : arrêt rapide en gare de Simiane, les usines qui semblaient forger un jour neuf dans l’aube. Qu’en faire ? Ce serait la question : celle que j’emporte avec moi dans ce monde qui ne suffit pas, et contre lequel jeter d’autres vies que la mienne empêche d’en rester là, et lance la possibilité d’autres mondes peut-être.