arnaud maïsetti | carnets

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sentinelle

jeudi 22 octobre 2009

Attendre dès 7h30, se poser devant le ciel, une heure, laisser la pluie tomber et le froid, attendre.

Tout à l’heure, être passé devant les lycées, les collèges, et s’être glissé entre les conversations bruissantes qui précèdent les classes, l’ennui déjà, les cigarettes allumées rapidement, et les pensées pleines des devoirs à faire, les échappatoires qu’on imagine avec colère.

S’être faufilé entre les voitures pleins phrases lancées sur les routes du travail, les radios allumées branchées aux nouvelles du monde, l’échappée haletante des choses qui passent, qui font la réalité, défont plus loin les rêves qu’on n’ose plus formuler à voix basse, et passer, retrouver le boulevard, se poster là, attendre.

J’ai dans un cahier plusieurs dizaines de pages, écrites en noir, à la main, un texte tenu plusieurs mois durant adolescent à partir d’un seul mot, le premier mot du cahier, le titre aussi, je me souviens, sentinelle, de ce cahier, et je me souviens aussi du sac, volé un jour d’inattention, quelques mois plus tard, laissé sous la table du café, et quand je reviens, à la table, le dos du type avec mon sac, le cahier perdu.

Quand il est 8h, il pleut moins, le froid s’éloigne. Attendre, encore.
Attendre quand le ciel s’ouvre, comme une page, et au-dessus tout le poids du noir qui appuie, empêche, mais attendre quand même, faire confiance aux énergies du corps, attendre quand le ciel terminera, il n’y aura plus que l’horizon.

À 8h30, un peu avant, on a fini d’attendre, on regarde une seconde, l’espace d’une seconde suffi, on a déjà emporté la photo, repartir.
Ce qu’on a attendu, on ne le sait pas soi-même ; c’est peut-être une part du jour qu’on entraîne, auquel on participe, c’est un terrain gagné sur l’absence (de la ville), présence à soi-même plus vive le temps de cette seconde où le jour se fait, un part de sa propre colère aussi qu’on laisse sur ce trottoir gorgé par l’attente : il recommence à pleuvoir.