arnaud maïsetti | carnets

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Sit tibi terra levis (je veille)

mercredi 5 février 2014



Ce sont de grandes pluies, sur fond de ciel complètement évanoui, entre nous et lui quelque chose qui appartient à la déchirure, et le long d’elle s’écoule la peine qu’il faut pour la rejoindre, comme des larmes sans cesse, sur fond d’aucune tristesse — cette phrase que j’entends pour la première fois, comme une émotion comme éprouverait pour la première fois :

« La douleur est comme une souffrance qui n’a trouvé personne pour la vivre »

Je marche le long de cette pluie, et à travers elle et sur elle, et sous elle où je ne me cache pas pour aller, je vais ; au matin, c’est des secousses, et en moi, rien que la pensée d’adresse à ce qui manque.

D’écrire ces derniers jours les naissances d’un désir d’écrire et de chercher encore et encore où naître, et où choisir d’où aller, m’occupe le temps qu’il faut pour passer le jour et la nuit et la nuit devient une part du jour que je veille.

Le soir quand il est ce soir où la nuit est d’une noirceur de chat, je regarde les photos prises : quatre seulement — l’aube (les milliards qui insultent et l’amour au loin), le midi (flou et involontaire), l’après-midi (bleu soudain comme un corps à travers les cheveux), le soir (de feu et de rage douce).

Dans la musique de Philipp Glass, je pose mes mains dans ce noir qui recule à mesure que j’avance ; est-ce moi qui le repousse, est-ce le noir qui s’éloigne ? Si j’avance, ce n’est pas à cause de moi ni du noir, mais de la déchirure, qui s’ouvre davantage. Si j’ai écrit ce soir, ici, dans ces carnets arrachés, c’était pour parler du vent, et à cause de cette image de la terre et des ventsqui s’arrêtent aux rochers des rives, et je réalise que je n’aurais pas même prononcé son nom de vent éparpillé dans le vent tandis que j’avance et rejoins.