arnaud maïsetti | carnets

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toujours là

vendredi 23 septembre 2011


Le monde entier est toujours là quand je vais, par là, ici et que j’entends ce grondement des rues en moi : la vie pleine qui recommence à aller plus loin : où je suis pour ne pas être rattrapé.

Tout le jour, rester à la table de travail, et coudre et coudre, et le fer chaud, et le métier remis cent fois, et les ratures à même les yeux, et les ongles mangés de creuser cette terre devant moi impossible que je rejoins tout de même, à force d’impossible.

Mais c’est une fois par jour au moins, le dehors ; je sors : une heure, moins, marcher dans cette ville qui n’est pas la mienne, en vérifier les jonctions qui ne se font pas, et puis, simplement remettre en moi les phrases de la demi-journée : quand je rentre, tout reprendre, tout réécrire. Demain fera de nouveau le tri. Écrire est fait de plus de lignes effacées que de mots.

Le monde entier, lui, est toujours là : ce qu’il faut : trouver comment et où cela vient correspondre au plus juste. Le monde entier n’attend pas, moi si. Moi j’attends quelque chose qui soit comme (et de suite, rentrer, vite). Les marches dehors durent le temps d’en finir avec telle ou telle phrase, le rythme du pas établit les équilibres, expulse les faussetés, comme de la sueur.

Le monde entier est plein de ces violences, qu’en moi je garde pour conserver le visage qu’on me prête. Je suis là pour les recevoir, longtemps, longuement, je tiens le regard de ceux qui passent, et j’attends qu’ils se détournent. Un jour, je saurai quoi en faire (un jour).

Dans ce boitement de la journée, dehors, dedans, j’obéis à d’étranges élans qui me secouent le jour : quand je suis dedans, c’est de n’être pas dehors, et la douleur est grande ; quand je suis dehors, toutes mes pensées vont au dedans, aux phrases qu’il faut écrire pour toujours.

Il y a en moi ce texte-monde à écrire que je possède, que je ferai, et qui pour le moment bat intéreurement sa pulsation instable, insistante, dévorante. Y répondre, oui. Mais d’abord, le monde entier des choses, toujours là, qu’il faut atteindre dans son nerfs le plus central. Ensuite : ensuite un dernier regard au ciel, et respirer, et aller.