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Vincit qui patitur (la brume)

lundi 3 février 2014


Journée longue comme un arbre qui va s’effondrer.

En remontant le soir vers la ville, les affiches électorales, de nouveau, grotesques, dérisoires — quelque chose comme ce mot de foutaises, et pourtant, je pense (mais pourquoi ?) au Bachelier de Jules Vallès, et aux camarades qui dans Le Ventre de Paris s’assemblent dans ce petit café à Châtelet pour parler de la Sociale.

Grande mélancolie passant devant une banque en voyant un jeune garçon (mon âge peut-être), le visage mangé par une capuche, qui se réchauffe dans ce hall, à genoux, et attendra ici que la nuit passe si on ne l’en chasse pas ; nous croisons nos regards.

Vers la rue Van Loo, la noirceur des rues mal éclairées. Une très vieille femme descend des paquets par dizaines, les abandonne là : dedans, des jouets d’enfants.

Et le manque, d’être loin.

Toute l’après-midi à travailler sur les mots de Quai Ouest, tenter de dire les mots qu’il faut pour approcher la voix d’Abad, comme il garde le silence, et à qui il le garde, pour qui (et comment avancer sur le plateau avec ce silence-là ?). « Mais après ce que vous venez de dire, ce ne sera pas possible de jouer Abad ». J’ai répondu oui.

Il y avait du ciel à jardin, et cour, un immense ciel noir d’orage qui n’est jamais tombé.

Ensuite, achevé un long mail ce soir, à l’ami universitaire travaillant sur la morale de la beauté, pour Dans la solitude… — lui décrire lentement la brume dans le train, près des contreforts des Alpes, comme on la déchire, l’approche et ne la repousse pas, comme, en lui appartenant tout entier, on ne la voit pas, puisqu’on est en elle, son propre horizon : habiter cela, chaque jour, en faire une morale, oui (me décrire lentement cela à moi-même) — chaque jour y croire.