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VIDÉO | Le ciel est le même

[23·10·30]

lundi 30 octobre 2023


journal / vidéo : Lundi trente octobre deux mille vingt trois


Le ciel est le même où qu’on soit, il porte ce poids de linceul sous lequel on est voué d’aller, oui, le ciel est le même, et bien sûr chaque fois différent, difforme et changeant, chaque seconde que le ciel fait et qu’il défait sans effort nous approche du moment où le ciel s’effondrera sur lui-même et fatalement sur nous, le ciel que déchire les obus de 155 mm sur Gaza effondré sous ce même ciel qui tend la main à celui-là dévisage la terre comme s’il cherchait un endroit où passer, où aller, où tomber tandis que tombe en éclaireur la foudre sur Marseille indemne encore, et ce n’est pas le même bruit bien sûr, la même foudre, la même pluie sèche qui n’assèche que la soif du sang et tombe au même moment sur Salahuddin Street au poste frontière d’Erez, pas la même, mais quand il faut lever les yeux pour voir ce qui tombe, on fait le même geste, et quand on baisse les yeux sur la terre : le même geste, et qu’on pleure que les larmes tombent comme tombent les bombes : le même, et les vagues qui échouent à mes pieds là-bas échouent sur Gaza aussi, les mêmes, et quand je plongent mes pieds dans ces eaux, elles me relient à Al Zahra ou à Al Malawi, à tout ce qui tombe, le ciel est le même, oui, et ce n’est pas le même ciel pour qui le voit sans chercher l’abri et laisse tomber la pluie sur le visage, boit à même la foudre : moi, je peux dicter ces mots dans le silence, je peux envisager dormir ce soir, rêver peut-être et me lever demain et prendre des nouvelles du monde et regarder le ciel et chercher des ouvertures et ruser pour le faire trébucher quelque part et échouer à le faire et ne pas renoncer à recommencer plus tard et faire grandir en moi la haine du colonialisme et de la vengeance des puissants, des roquettes et des bombes lâchés lâchement sur ceux qui ne peuvent pas se cacher et songer à la chute de Babylone encore et encore et cracher dans le ciel et hurler en silence le dégoût du temps et m’armer de patience et apprendre de ces jours les leçons capables de le renverser en nuit — pendant ce temps le ciel, lui, part se rejoindre quelque part où je ne serai pas.