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À un ami | « L’universel désir d’être quelqu’un »

samedi 27 septembre 2014

Par le Parti Imaginaire.


L’universel désir d’être quelqu’un, d’être reconnu fonde l’atroce comique de notre époque et lui donne cette allure d’improvisation libre en milieu d’aliénés, de théâtre à ciel ouvert pour pathologies narcissiques de tous ordres. Détournons le regard de ce mauvais spectacle. Imaginons un être qui n’aurait pu fermer les yeux sur l’horreur du présent – ce canevas d’ennui, d’injustice, de bêtise, de séparation et de cynisme dont la police vient seule garantir la cohérence désastreuse –, un être qu’une sorte d’infirmité certainement, mais peut-être aussi quelque esprit de défi, aurait rendu inapte à rester en paix avec un tel état de choses, un être qui, en outre, aurait trouvé, jeune encore, dans l’émeute, le feu et la conspiration, l’exact contraire de ce qu’il voyait autour de lui : là, l’intelligence, le courage l’aventure, l’amitié et la vérité.

Un tel être – et il ne fait pas de doute qu’il y en a en nombre qui, à cette heure même, vivent et se cherchent – serait Blanqui, autant que Blanqui fut Blanqui. Chaque seconde de sa vie, chaque battement de son cœur serait propulsé par cette unique question : comment faire ? Comment constituer une force révolutionnaire ? Comment vaincre ? Les figures historiques sont là pour faire écran aux puissances qui les portent. Rien n’est plus simple, plus limpide, plus commun que Blanqui. Et c’est précisément pourquoi il fallut voiler cette menaçante limpidité de tant de calomnies rumeurs, de tant d’eaux sales. Il n’y a pas de mystère Blanqui, malgré toutes ces menées nocturnes, ces entreprises secrètes, ces conciliabules. Il n’y a que l’évidence sans fond de l’existence révolutionnaire.

Mais quel diable le pousse ? Comment peut-il encore marcher, encore vouloir, s’appliquer encore et toujours à penser la situation après tant de trahisons, tant de pertes, tant de déconvenues ? Et que sert tout cela ? Ne vous inquiétez pas, âmes spectatrices, il s’effondrera un jour et vous pourrez souffler. Ou bien il triomphera, et vous succomberez. En attendant, il sera votre hantise, il sera cette vôtre possibilité que vous vous épuiserez à incessamment conjurer.