arnaud maïsetti | carnets

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prélude

vendredi 24 septembre 2004

« Souvent je pense à la Russie je pense aussi le monde a quarante ans j’y pense tout le temps je sais c’est idiot mais je pense tout le temps que le monde est nouveau qu’il est tellement nouveau et tellement vieux en même temps maintenant tout le monde dit qu’il faut vendre la Russie qu’il n’y a rien à vendre que mon père s’est trompé tout le monde fait comme si ça allait bien se passer mon père je sais pas a construit un monde et c’est comme si on lui laissait pas sa chance c’est comme si tout le monde avait oublié que nos pères voulaient faire un monde qui ressemble à un mausolée aujourd’hui on n’a plus de respect pour les morts la guerre a fait autant de morts qu’il y a de vivants en France on vit sur un milliard de morts et c’est comme si on leur crachait dessus on voudrait tout oublier je pense tout le temps à des charniers j’en ai plein dans la tête je pense à celui-ci ou à celui-là c’est bizarre ça aurait tellement pu se passer autrement »

La Sentinelle (arnaud despleschin)

Du siècle passé, l’image effacée du ciel aux horizons de brume ressurgit, s’impose, striée de silence en échos sous la lune. Elle, vie de vertige et d’aube, visage de rose, rivage, eau claire et jeunesse éclatée, si belle. Tant de mots posés, théâtre mental qui ose se taire ce soir éteint d’hiver éternel, déversés sous son corps incertain. L’ombre éclose de ta présence nue au bord de moi se mêle à l’effort de veiller, la transparence rose de ta peau diaphane au sang qui l’achève. Et quel silence alors et quelle douce mort se pose enfin. Et, délivrée de nous, cette heure est celle qui déchire le temps, et le fonde ; et la cause de cette seconde-ci isolée, ombelle, liminale, secrète et délaissée. J’oppose l’instant à l’image effacée du ciel striée de l’absence d’écho et qui s’impose en moi, théâtre mental des folies aux ailes d’aurore. Ce soir. Qui fut le premier.


I.