arnaud maïsetti | carnets

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VII.

vendredi 24 septembre 2004


tu quittes ma vie sans t’être donnée la peine d’y être entrée réellement et tu fais ton sublime retour chargée qui plus est de tous mes phantasmes accumulés pendant plus de dix ans car depuis toutes ces années les sentinelles de la folie se sont enfuies et ont laissé la torpeur envahir la scène pour s’en donner à cœur joie et voilà que le rideau se déchire et le cœur et la joie avec

et je te surprends sous les projecteurs à réciter des vers surannés enfouies sous des milliers de syllabes que personne ne comprend plus que personne n’écoute plus et qui me vrille les tympans il semble ressembler à ce langage du hasard inarticulé

flottant

à la surface des instants autour de ce qui pourrait arriver et qui n’arrive pas tout à fait et de ce qui ne se serait jamais dans la réalité arrivé et qui arrive ici bas je suis au milieu de cette rue

au milieu de la ville et je me sens vivant de cette seconde-ci qui passe grâce à toi vivant

et à jamais à jamais à jamais

seul enfin

enfin livré aux hasards que tu daigneras me laisser

oui toi aussi tu es

seule

je sais

peut-être moins que moi car moi il y a les autres pour me renvoyer la solitude d’un monde où les peuples perdent leurs noms ou leur foi on ne sait pas et où la techno science s’élève comme un introït de requiem étrangement impuissante à rendre compte de l’ici et maintenant du toujours et du partout d’un univers dans lequel ta présence m’est si scandaleusement ravie

un monde si plein d’hommes

de personnes

comme l’on dit qui pensent le savoir sans y croire et il suffit que tu viennes me

hanter pour que devant mes yeux l’univers se recrée à l’ébloui de l’enfance et s’invente à chaque mot à chaque fantôme comme si le moindre prétexte subordonné aux caprices désirants d’un vulgaire mortel était suffisant pour substituer à l’innocence d’une réalité renvoyant l’écho sans fin de son propre nom

une autre transparence en miroir mais différente transcrite celle là délirante et charnelle et tienne pour qu’enfin ton ombre ne soit plus une ombre mais dérivant dans ma voix elle aborde les rives d’une parole qui l’accueille

comme une sœur

comme une fille

et comme une délivrance une souffrance en gésine.


VIII.