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La Ville écrite | les chats sont l’opium du peuple

dimanche 21 février 2016

Jamais rien eu contre le chat, ni rien ressenti pour lui : au contraire. C’est un pur mystère dénué de tendresse : je suis devant lui comme devant un regard vide qui n’en pense pas moins. Une butée de pensée qui se dérobe devant ce qui semble excéder la pensée, ou qui s’en trouve absolument dénué. Toujours vu le chat comme un être qui me voue une irrémédiable hostilité.

Oui, je sais, il y a la mélancolie de Micetto, le chat du pape Léon XII que Chateaubriand rapporte chez lui et auprès de qui il finit sa vie dans la nostalgie du monde jusqu’à l’agonie ; il y l’impassibilité de Séraphita, le chat insomniaque de Gautier, « qui restait de longues heures immobile sur un coussin, ne dormant pas, suivant des yeux avec une extrême intensité d’attention, des spectacles invisibles pour les simples mortels. », il y a le faustien François, le chat tigré de Thérèse Raquin en qui Zola a déposé les ombres fantômales de l’amant assassiné ; il y a la ligue pour la défense des félins que Maupassant et Dumas ont fondée ; il y a les trois cent chats de Léautaud qui peuplent son manoir rance de Fontenay-aux-Roses ; il y a les matous de Colette, à la sexualité plus libérée que leurs maîtres ; il y a les blues de Boris Vian pour les chats hâbleurs ; il y a l’ombre partout des chats mystiques de Baudelaire.

Il y a des chats célèbres. Il y a l’Immense et Terrible Chester.

Mais qui datera l’apparition du chat sur les écrans ? Il est partout, presque autant que des plats de nourriture ou que les visages idiots des selfies de leur maître. On voudrait se laver du chat et des visages.

Et puis, on trouve cette phrase merveilleuse sur une boutique abandonnée de Marseille.

Bien dommage que l’auteur n’ait pas eu la place pour inscrire le début implacable et irréfutable, qu’on dépose ici en hommage à lui, et en vengence contre l’insondable mépris que les chats me vouent.

Le chat est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme il est l’esprit des conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Il est l’opium du peuple.