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qui vint à ma rencontre

vendredi 24 août 2018


Que serais-je sans toi qui vint à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

Aragon, Le Roman inachevé, 1956



The Cinematic Orchestra, Into You, (Ma fleur, 2007)



Face à ce qui vient, face à ce qui arrive, face ce qui est sur le point de : on est toujours avant ; toute une vie à être face à ce qui va peut-être se déchirer et déchirer tout ce qui a eu lieu avant : face à ce qui est imminent et ne vient pas – la nuit, le jour, le sommeil et le réveil, l’autre et la révolution, la beauté des choses venues à point qui ne sait pas attendre ; la justesse qui réaliserait la nullité de toute justesse, la peine. On est face, on est juste en face ; un pas plus loin et on serait confondu avec l’événement qui toujours se dérobe.

Pour voir son ombre, il faut mettre le soleil dans son dos ; et pour sauter au-dessus de son ombre ? Pour voir le sens de l’histoire, il faut être capable de mesurer le vent : et on avance plus vite, au près, vent de face, légèrement, en remontant les courants. Pour pleurer, il faut être vivant. Toutes ces suites logiques qui font hurler contre la logique, et contre les suites, mais qui soulèvent et rendent légitimes le combat, contre la logique, l’histoire et les suites écrites. Il faudrait un poème de Brecht plutôt, et un mot d’ordre clair.

Par exemple : qu’il n’y aura pas de vingt-cinq août. C’est impossible. Par exemple : que rien ne serait impossible dans un monde où tout le serait. Par exemple : que l’amour ne tienne à rien, et qu’on se jetterait dans ce rien, non par amour, mais pour l’impossible. Nul n’est tenu ? Le vent s’est levé ce matin, comme toujours quand la terre s’ennuie. Face au vent, on est rien d’autre qu’un obstacle qui l’arrête, et aussi ce qui fait exister le vent, ce qui le rend sensible et vivant. Face au vent, on est peut-être l’impossible du vent. On se tient face à lui en dépit du bon sens, et on pourrait presque lever la main, s’adresser à lui, lui demander ce qu’il pense des saisons et comment renverser le gouvernement, lui demander ce qu’il en est des peines et s’il voit une suite à tout ce bordel, au lieu de cela, on ne fait rien, on plie un peu le corps, on essaie d’avancer et on cherche désespérément un endroit où s’abriter.