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arme par destination

samedi 13 février 2010

C’était pour surveiller la mer, ce qu’elle pouvait apporter : temps de guerre qui a laissé dans son sillage ces carrés comme seuls vestiges — ici, sur la pointe, on en a posé sur toute la côte, sans ordre et sans art ; des blocs de béton armé, je crois. Il y en a peut-être dix, mais on ne les voit pas tous ; et dans le soir qui descend, c’est comme si la nuit en apportait d’autres que j’aperçois peu à peu.

La plupart sont tagués, et l’un d’entre eux surtout, entièrement recouvert d’écritures : sur lui, je lis tout le roman de ces années — et des années qui viennent. Ce sont peut-être des signatures : comme on s’approprierait un bâtiment sans propriétaire, sans fonction, sans possibilité même de lui en attribuer une. On peine déjà à leur trouver un nom : blockhaus, casemate, bunker. Alors, sur eux, on n’écrirait quoi d’autre que des lettres, et aucun mot ; son propre nom projeté en rêve pour recouvrir toute mémoire et tout sens.

Ceux qui ne sont pas recouverts d’écriture le sont par le sable qui avance sur eux, année et après année, et j’imagine dans quelques siècles ces bunkers qui dépasseraient à peine au milieu de la mer, les jours de grandes marées. Et peut-être un jour, qui sait, arriveront-ils sur l’autre continent.

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