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une existence

[Journal • 03.02.22]

jeudi 3 février 2022

Les choses n’ont pas de signification : elles ont une existence.

Pessoa


Du matin au soir, rien ne passera que du temps et des voitures comme si les unes entraînaient l’autre, et que chaque heure devait charrier tant de bruit ; tout allait à son but (loin de moi) — rien n’arrivait, les nouvelles sur l’écran défilaient elles aussi, mais je les lisais toujours avec tant retard qu’elles cessaient d’être nouvelles, remplacées par de la chair plus fraîche dédiée au même pourrissement : puis, le monde organisait ses décalages horaires avec sciences et doigté — au Danemark, où le pourrissement est un art de gouverner, toutes restrictions sont levées, dit la radio (à ce stade de l’histoire, personne ne juge bon de dire les restrictions de quoi, et pour quoi), alors qu’il y a moins d’un mois, ce pays était le plus frappé de tous : on lira donc ces prochains jours dans les journaux danois les nouvelles qui nous attendent, si elles veulent bien nous arriver — les variants savent comme chez Maeterlinck naître quand l’un des siens meurt, la loi est aussi antique qu’arbitraire : pour solde de tout compte, j’écrirai deux lignes et je devrai partir au théâtre, ma journée était faite.

Je marche dans les rues autour de la Joliette avant que l’histoire mondiale de ton âme ne commence (quel titre) et j’essaie de me souvenir de la première fois où je me suis perdu ici (c’était en allant aussi au théâtre, Nijinski et ses printemps inépuisables) — aucun souvenir, seulement le sentiment d’un immense chantier aujourd’hui achevé : ce quartier au bord de la mer ressemble au treizième arrondissement de mes études, que j’imagine aujourd’hui ne ressembler plus à rien — on ne fait que marcher sur ses propres ruines et la mer échoue sur cela aussi.

D’ailleurs, le vent est tombé, mais où ?