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un rêve #130 | les évasions

mercredi 14 avril 2010

Un rêve : je ne cesse de m’évader d’une prison, mais à un moment ou à un autre, je suis rattrapé — et tout recommence. L’évasion suit plusieurs étapes fixes, selon l’ordonnancement d’un rite aux lois aussi mystérieuses qu’essentielles et du respect desquelles dépend la réussite de l’opération.

Je feins de me rendre, le soir prévu, au réfectoire, mais au lieu de me diriger à une table, je m’éclipse par une porte dérobée. Je retrouve des camarades d’évasion au pied des murs et là, je dois donner aux passeurs une série de documents complexes et hétéroclites : argent en coupures précises, feuille de papier tranchée dans la diagonale, mp3 avec écouteurs, et surtout, un billet de bateau.

On fait la queue : je suis parmi les premiers. Une fois les documents transmis, ils nous font passer les uns après les autres par une ouverture minuscule. De là, on se met tous à courir dans une sorte de terrain vague, de sable et d’herbe. On parvient ensuite en pleine nuit au port de la ville où de grands bateaux sont à quais et nous attendent — on y monte. Le bateau ne part pas ; quand je sors de la pièce où on est tous, je me retrouve au réfectoire de la prison, cherchant sans m’étonner la porte dérobée. Et tout reprend.

Chacune des étapes portent une menace : et cette séquence, je la refaits cinq fois (ou plus ?), qui toujours s’échoue sur un des moments me ramenant au point de départ — je ne retrouve pas mes camarades aux pieds des murs (ils sont déjà partis) ; les passeurs me renvoient (je n’ai pas les bons papiers, ou je les oubliés : cette partie est de loin la plus redoutable et la plus angoissante ; je retourne les chercher terrifié d’être vu, et en quête de ma cellule, je me perds dans les couloirs) ; je ne parviens pas à franchir la petite ouverture qu’on nous montre et qui n’a pas l’épaisseur d’une fissure (parfois plus petite encore, si bien que je ne la perçois pas, mais je vois les autres passer à travers le mur) ; nous sommes vus par les sentinelles sur le terrain vague, et appelés par non noms.

Le rêve après avoir fait sa boucle, recommence et va de plus en plus loin — je suis de plus en plus rodé. J’effectue les épreuves avec davantage de facilité, m’amusant même de la situation (prévoyant l’échec fatal, imminent).

Mais quand je me retrouve finalement de nouveau en train de courir dans le terrain vague, la ville illuminée de l’autre côté, et la prison dans le dos, je me dis que c’est décidément la partie du rêve que je préfère, dix fois. Les passeurs nous demandent soudain de nous jeter face contre terre avant de rentrer dans la ville.

On est allongé, je suis en tête de la colonne, dix personnes sont derrière moi, la tête dans le sable. Et au milieu de cette nuit, de grandes lumières se font et des cris : on nous a retrouvés (je suis encore plus anéanti que les autres fois). Un gardien armé d’un long fusil se montre accompagné d’un chien qui me paraît très excité.

Le chien passe parmi nous, renifle chacun, s’attarde sur certains plutôt que d’autres. Il s’acharne même sur le type derrière moi, qu’il mord longtemps — le type hurle ; quand le chien le quitte, il pleure comme un enfant. Le chien est sur moi maintenant, et pour l’empêcher de me mordre, je ferme les yeux au plus fort de moi.

Quand je les ouvre, le jour me réveille définitivement.