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éparpillement du livre

vendredi 9 juillet 2010



Rest (Syd Matters, ’Hi life’, 2010)


Le vent circule de part et d’autre de l’appartement : c’est l’avantage de la double exposition sud/nord — il y a malgré tout des inconvénients : j’ai laissé sur le bureau les feuilles du texte que j’avais imprimées pour relire et corriger, et quand je rentre, je les retrouve en désordre mêlées aux journaux de la semaine que je n’ai pas jetés. Et quand je me penche pour les ramasser, un ordre neuf de ce texte prend naissance : plus précis que celui que je m’efforce de lui donner, jour après jour, depuis deux ans.

Le texte a une autre vitesse — le récit n’est pas moins incohérent, pas plus délié : le désordre n’y a pas cours : je me prends à relire tout cela et j’y assiste de l’extérieur — je lis dans l’ordre où je les ramasse. Le texte se dispose comme un jeu de solitaire : aucune carte n’est à sa place, pas une ne se suit, mais tout cela obéit à un règlement impérieux, c’est sûr.

Dans la rue, les voitures se reculent quand je traverse : sur la photo, les lumières rétractent en arrière d’elles toute leur énergie — une machine à remonter le temps, à suivre les points jusqu’à l’origine qui se produit devant moi.

D’un côté cette photo, de l’autre cet éparpillement des pages : et l’origine en tout point donné après coup — j’imagine que c’est à cela que ressemble un livre quand il s’émancipe de ses pages, qu’il se développe en dehors de son corps, qu’il se désorganise dans le monde.