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temps morts (et revenants)

jeudi 9 septembre 2010



At The Chime Of A City Clock (Nick Drake ’Bryter Layter’ 1970)


C’est l’heure silencieuse où plus d’un être humain rêve qu’il voit apparaître des
femmes enchaînées, traînant leurs linceuls, couverts de taches de sang, comme un ciel noir, d’étoiles.

Lautréamont, Chants de Maldoror

Au pli de la nuit la plus morte, quatre heures, trois heures (la nuit recule à chaque nuit), ma montre s’arrête. Le matin, elle ne bouge plus ; il y a trois jours, je l’ai cru définitivement arrêtée, mais dans la journée, elle s’est remise à battre au poignet. Désormais, au lever, je remets les pendules à la bonne heure, l’avance des quelques heures qu’elle n’a pas su enjamber, et jusqu’à la nuit elle va ainsi, aussi régulier que mon propre sang tant que je suis éveillé. Dès que je m’endors elle s’arrête.

Dans le creux noir, personne pour voir que chaque minute dure aussi longtemps que dans la journée la plus vécue, sous la chaleur en fer blanc de quinze heures. Sur quoi s’avance le temps, dans le temps mort des cris des chiens, des chauves-souris ? On les voit par dizaines au-dessus de la maison tourner — pour entraîner avec elles le mouvement du globe sans doute.

Du corps à corps — au lit fermé à double-tour comme une porte de cave dans les maisons de maître —, lèvre saignée sur les morsures qu’on s’infligerait de n’avoir pas su les taire, douleurs des chairs apposées l’une sur l’autre cherchant, dans le désir traversé, une sortie de soi digne d’en finir avec le présent : à la seconde où la montre s’arrête, au jet de sang près la secousse intérieure, cessent toutes possibilité de rémission (de la chair) : sur la lande qui pourrit l’automne déjà là, des chiens chassent toute la nuit le temps comme on le tue en plein soleil.

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