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L’entretien en art : les mots pour le dire
Réflexions épistémologiques et méthodologiques
mercredi 15 février 2023
Intervention lors de la journée d’études « L’entretien en art : réflexions épistémologiques et méthodologiques »
Rencontre et journée d’études LESA avec Stefanie Diekmann – Université d’Hildesheim
15 février 2023 Bâtiment Turbulence Salle de projection Site Saint-Charles Aix-Marseille Université
Ce qu’est bien souvent un entretien : stérilité de l’échange entre savoir et pouvoir
C’est comme les oiseaux de Mozart : il y a un devenir-oiseau dans cette musique, mais pris dans un devenir-musique de l’oiseau, les deux formant un seul devenir, un seul bloc, une évolution a-parallèle, pas du tout un échange, mais « une confidence sans interlocuteur possible », comme dit un commentateur de Mozart — bref, un entretien.
Pas du tout un échange, donc : voire : ici comme provocation une façon d’empêcher l’échange de s’établir de part et d’autre, ou face à face — de neutraliser le binarisme inhérent pourtant à l’implicite de l’entretien, dualisme qui le fonde et qui semble en être pourtant comme la condition. Un vis-à-vis, expression qui fait signe vers l’annonce immobilière et qui implique suffisamment une butée du regard, une absence de perspective en même temps qu’un voyeurisme d’autant plus périlleux qu’il fait souvent retour sur celui qui croyait s’inviter chez le voisin d’en face. En regard, plutôt : mais là encore, ce dualisme s’assècherait à se penser duel, bras de fer — voire match : “entre le tennis et la psychanalyse, j’ai choisi le tennis”, disait Godard, pour cette faculté que possède de ce sport à tenir sur le fait de se renvoyer la balle et de mettre l’adversaire à la faute — le tennis, ce jeu idiot impossible à filmer, dira Hitchock, qui s’y connaît pourtant en revers et en contre-pied.
Quand il se réduit à cet échange, l’entretien s’installe dans un rapport de force dont le but est moins l’échange que la recherche d’une hégémonie, soit : le coup gagnant. Le plus souvent, c’est l’interviewé qui est en position favorable : il n’est pas au service, mais c’est lui dont on vient recueillir la parole ; l’intervieweur la reçoit, et la relance. On voit bien ce qu’il y a de stérile dans ce type de rapports — qui n’est pas seulement l’apanage du journalisme —, c’est qu’il installe des positions de savoir qui sont aussi des positions de pouvoir ; ou plutôt, la position de savoir reconduit des positions de pouvoir.
Dans la première partie de Pourparlers – qui s’intitule Un entretien, qu’est-ce que c’est, à quoi ça sert ? — signé de Gilles Deleuze et Claire Parnet, les deux auteurs refusent de s’entretenir, et développent leur réflexion séparée dans un chapitre chacun. Dès ses premières ligne, Claire Parnet tâchait de se défaire assez clairement d’une conception de l’entretien comme « procédé de questions et de réponses » — et ce « pour des raisons très simples » :
Le ton des questions peut varier : il y a un ton malin-perfide, ou au contraire un ton servile, ou bien égal-égal. On I’entend tous les jours à la télévision. Mais c’est toujours comme dans un poème de Luca (je ne cite pas exactement) : Fusilleurs et fusillés… face à face… dos à dos… face à dos… dos à dos et de face… Quel que soit le ton, le pro- cédé questions-réponse est fait pour alimenter des dualismes. Par exemple dans une interview littéraire, il y a d’abord le dualisme interviewer-interviewé et puis, au-delà, le dualisme homme-écrivain, vie-æuvre dans I’interviewé lui-même, et puis encore le dualisme æuvre- intention ou signification de l’œuvre.
Or, ce dualisme paraît où qu’on l’observe enfermant — et même davantage : comme procédé, il ne peut que reconduire, même malgré lui, aux logiques des assignations, à celles des pouvoirs qui se fondent sur la domination, aux mécanismes de consolidation des positions hégémoniques.
Et quand il s’agit d’un colloque ou d’une table ronde, c’est pareil. […] Il y a toujours une machine binaire qui préside à la distribution des rôles, et qui fait que toutes les réponses doivent passer par des questions préformées, puis que les questions sont déjà calculées sur les réponses supposées probables d’après les significations dominantes. Ainsi se constitue une grille telle que tout ce qui ne passe pas par la grille ne peut matériellement être entendu…
De là que ce dispositif duel n’est pas seulement la transposition innocente — ou transparente — de l’échange civil, du dialogue urbain ou intellectuel : mais bien la façon qu’aurait les forces de la domination de s’exprimer, et d’exprimer par là sa vocation hégémonique
— à tout d’abord assigner les unités à des identités assimilables à d’autres,
— à ensuite reconduire la syntaxe inégalitaire,
— à enfin — et comme dans un mouvement de dépassement dialectique, absorber ces identités dans une structure qui les englobe et les nie —le journaliste serait le journalisme ; l’artiste, serait l’Artiste — chacun ventriloquant une position, taisant son individualité tout en parlant littéralement au lieu d’un autre : « Même quand on croit parler pour soi, on parle toujours à la place de quelqu’un d’autre qui ne pourra pas parler » note Parnet, qui conclut :
Il est faux que la machine binaire n’existe que pour des raisons de commodité. On dit que la base 2, c’est le plus facile. Mais en fait la machine binaire est une pièce importante des appareils de pouvoir.
Il est important de commencer par dire le piège de l’entretien — un piège enclos dans sa forme comme expression de la structure qui la gouverne —, pour mieux tenter de le déjouer : non pas tant en l’évitant, comme si on pouvait l’enjamber : mais se jouer de l’entretien par l’entretien. C’est l’enjeu de tout entretien : travailler contre lui.
En cela, chaque entretien – même malgré lui – est à la fois sa défense et son illustration, son expérimentation et sa mise à l’épreuve, sa théorie et sa pratique au sens qu’il ne peut se faire que suivant une méthode qui le démasque : interroger en retour l’entretien n’aurait pas pour but de dégager une méthode afin de le rendre plus efficace — mais efficace pour qui, pour quoi ? il y a bien des entretiens laborieux et tortueux dans leur mise en œuvre qui se révèlent féconds dans leur capacité à “lever” des paroles —, qu’à mettre en lumière les difficultés qui rendent possible son fonctionnement.
Ce que pourrait être un entretien : fonction et fonctionnement
Contre l’entretien duel au soleil, inventer donc dans l’entretien des formes qui sauraient piéger le piège qu’il constitue formellement. Comment ?
Revenir peut-être au mot lui-même, et à ce qu’il fait résonner, étrangement, malgré lui.
Entretien : si c’est parler avec — converser autour —, c’est c’est aussi ce mot qu’on utilise pour dire ce qui maintient en bon état. D’un côté, la parole qui passe, de l’autre la machine qu’on fait fonctionner : et si c’était finalement un même geste ? Un même souci, quasi mécanique, de faire durer l’usage de ce à quoi on tiendrait.
S’agissant d’un entretien entre un chercheur et un artiste — désireux tous deux de ne pas réassigner les positions intervieweur / interviewé (l’un pour des questions herméneutique quant à sa volonté d’ouvrir les épaisseurs de l’œuvre ; l’autre pour des raisons peut-être spéculative qui l’invite à revenir différemment à la création après celle-ci, faisant retour, comme en spirale, sur le début, ou le geste, envisagé depuis le point de vue de la fin) : les deux dans un souci éthique de faire advenir capable de lancer des lignes au-devant d’eux qui n’ont pas été tracées, ni dans la pensée en amont de l’œuvre, ni même dans le geste de création de l’œuvre) —, s’agissant d’un tel entretien, donc, nous dirons que le chercheur, cherchant dans les œuvres les questions que l’œuvre lui adresse ou qu’elle adresse au monde, va s’adresser à l’artiste non tant pour trouver les réponses dans les œuvres ou des œuvres, mais pour s’assurer que de telles questions existent encore, sont encore en état de marche et se partagent — la preuve ; l’entretien serait là pour faire fonctionner ces questions.
Désirant de cette sorte approcher les créations contemporaines depuis l’autre versant de l’œuvre – non son objet, mais souvent sont projet, depuis le geste créateur donc, le programme de recherche S’entretenir | créations contemporaines et fabriques des discours, puis S’entretenir | créations contemporaines : les mots pour le dire voudraient contribuer à l’étude de la création artistique en complétant la cartographie des pratiques de créations via la parole des artistes. Mais, étant entendu que cette parole n’a pas une valeur en soi, et encore moins celle de témoigner pour l’œuvre, il s’agirait avant tout de s’interroger sur ce dont elle témoigne depuis l’œuvre : de la parole même, de la façon qu’elle aurait de s’exposer et de voiler d’autres choses, d’établir des stratégies, des ruses, des postures, ou de s’exhiber, de chercher autrement à répondre, mais à relancer le devenir de l’œuvre ou de soi dans le champ (esthétique, culturel ou politique ? de maintenir la question ouverte de leur alliance, de leur embarras à s’allier) : et c’est cela qu’on interroge : les mots pour dire la création, quels sont-ils ? D’où viennent-ils et où vont-ils ?
Il arrive qu’ils n’aient que peu à voir avec la vérité de l’œuvre, si elle existe, et tout avec des fictions de soi, manières d’écrire autrement une légende ; il y a tant d’entretiens qui sont œuvre de légitimation ; d’autres qui sont pure entreprise de construire un ethos à l’œuvre dans l’œuvre ; d’autres encore qui lèvent des énigmes jusqu’à finir par redoubler l’énigme de l’œuvre, de l’artiste, et – vertige – de la parole elle-même.
Entretien donc. Entretenir et s’entretenir.
On le voit les buts sont divers, contradictions, fuyants — se fuyant les uns les autres.
Reprenons.
Il y aurait d’abord une volonté de vérification : vérification que ça fonctionne, certes, mais plus platement, volonté d’établir des faits. C’est le premier but, qu’on dirait objectivant. Les dates, les lieux, les lectures avouées, les rencontres avec telles circonstances. C’est le plus facile à traiter, à évacuer — même si, là encore, l’intérêt tient à la mise en tension de ces vérifications qui sont aussi sujet à manipulation. Ce qu’il s’agit dès lors, quand on prend l’auteur en flagrant délit de mensonge (c’est assez facile s’agissant de cet aspect de l’entretien comme établissement de faits), c’est moins de rétablir la vérité, que de penser la distance entre la vérité et les écarts énoncés, et d’en mesurer les effets sur l’œuvre, sa réception comme sa construction à venir. Avouer des préférences qui n’en sont pas (se dire admirateur de Bruce Lee et de Bob Marley, quand on aime autant Bach et Bartok, mais qu’on le tait), ou confier comme Deleuze (dans un entretien destiné à être diffusé à titre posthume…) son rejet du théâtre — « être assis sur un mauvais fauteuil pendant trois heures, ça règle la question du théâtre pour moi » —, quand bien même on sait désormais qu’il fréquentait assidûment les salles de spectacle et pas seulement les cinémas : est-ce une façon d’évacuer la question du théâtre, ou bien une manière qu’on y regarde de pas de si près ? et il y aurait sans doute à redire de cette évacuation du théâtre au motif des conditions de sa réception, sans évoquer les objets à proprement parler…
Vérifier les faits : ce serait donc la tâche la plus aisée, pourvu qu’accuser la distance entre les paroles et les faits fasse retour sur la parole même et soit interrogée aussi.
Mais de quelle vérification s’assure-t-on, surtout, dans l’entretien avec un artiste : des faits en tant que tels, ou que notre parole et les hypothèses qu’elles soulèvent sont toujours valides ? que l’artiste tient encore parole avec son œuvre, ou avec nous ? ou que la parole elle-même continue d’être ce fil de la pensée qu’on ne perd pas, qui se maintient ? Et tout bouge dès lors, et s’ouvre.
Cette pluralité diffuse, instable, mouvante est toujours au cœur, plus ou moins explicite de l’entretien quand elle ne reconduit pas les assignations d’une part, et lorsqu’elle ne se contente pas d’être un recueil de paroles, mais sa mise en tension.
C’est là que peut se déjouer ces pièges que j’évoquais, qu’il faudrait localiser non pas tant, donc, pour les éviter, que pour les affronter, en toute connaissance de cause.
C’est qu’outre son contenu, l’entretien témoigne en lui-même de lui-même, contre lui-même.. Car l’entretien est ce qui passe, il est en cela l’espace de partage et le territoire d’une relation qui peut tout aussi conflictuelle ou amicale —et c’est peut-être avant tout cela qu’il rend visible : travail de la parole : pour l’artiste, et le chercheur.
L’enjeu de ce programme se redouble donc : questionner les œuvres par la parole de l’artiste et questionner l’entretien, c’est mécaniquement interroger la manière dont l’artiste répond tout autant que la façon par laquelle le chercheur questionne : et puisque les réponses et les questions s’adossent les unes aux autres, c’est faire fonctionner cette machine qui en dernier ressort tourne autour d’une même ultime énigme : comme dire ce qui existe sans les mots (l’œuvre), comment parler de ce qui n’a pas besoin de parler pour exister, et pour nous adresser des questions ?
Le premier piège — premier en ce qu’il apparaît peut-être d’abord — se fait malgré soi : quand la parole (de l’artiste) devient discours, qu’elle se fige dans une rhétorique pré-établi, soit par habitude, soit par souci de se présenter sous tel jour (et si possible le meilleur), discours qu’on dirait publicitaire, et qui peut se révéler pure manipulation (de la vérité, de l’autre, de l’œuvre) et s’inscrire dans une stratégie médiatique — voire la récente une de Libération autour d’une stratégie perverse et sournoise et qui a fini par se retourner contre lui, de Michel Houellebecq, mais de telles ruses peuvent aussi se révéler de bonne foi, quand l’entretien devient l’enjeu d’une conquête de légitimation de l’artiste face au chercheur, c’est-à-dire face à une institution (universitaire) légitimante. On le constate s’agissant d’artistes dits émergents, qui voient l’occasion — presque autant qu’avec un premier film ou spectacle — de devenir un artiste, non pas celui qui fabrique des œuvres, mais celui qui est reconnu comme tel.
Ce piège est réversible, et on sait aussi que pour des chercheurs, et pas seulement des jeunes chercheurs, l’entretien avec l’artiste – surtout quand c’est un Grand Artiste — devient aussi l’occasion, le prétexte à se légitimer sans propre champ auprès de ses pairs : s’entretenir avec ce grand nom de la scène contemporaine, c’est s’assurer de voir son travail légitimer par la seule co-présence du nom de l’Artiste avec le sien.
Dès lors, travailler sur l’entretien non comme document servant à illustrer un discours sur l’œuvre, transparent à elle, mais comme matériau à part entière, matière, c’est travailler à rendre rendre visible et lisible les résistances : et c’est donc tenter d’échapper à l’araisonnement sociologique qu’opère le champ culturel et ses procédures de légitimation, qui n’ont rien à voir avec ce que donne à penser une œuvre, et tout avec ces positions de pouvoir — et d’aliénation, d’assujétissement, d’assignation — stériles et dérisoires, dont nous mettaient en garde à juste titre Deleuze / Parnet.
L’entretien serait plutôt cet espace qu’il s’agirait moins de combler que de mesurer — un intervalle où se nouent des relations dont l’enjeu pourrait bien recouvrir celui de la politique, quand la parole se risque ainsi au pari de l’égalité — égalité qui n’est évidemment jamais acquis ni ne peut se décréter, mais comme toujours se travaille y compris selon et en dépit des logiques de raports de forces, voire d’hostilité, ou pire de reconnaissance et d’admiration.
Entre chercheur et artiste, pourraient s’inventer, s’expérimenter même bien des formes de relation qui, tout en affectant, voire altérant la transparence de la parole, permettrait surtout de produire des énoncés, depuis l’invention de positions d’énonciation nouvellement instaurés, quoique troubles. Accepter ces opacités, recueillir même ces troubles, tel est aussi l’enjeu des entretiens en ce qu’ils informent aussi de la nature des paroles échangées et de leur contenu.
À ce titre, la finalité d’un entretien, du point de vue du chercheur, tiendrait ainsi bien au-delà de l’établissement de faits, dans la manière dont la parole s’échange et s’élabore, de l’un à l’autre versant ; du point de vue de l’artiste de même, le but excéderait largement celui d’un entretien journalistique, où il s’agit bien trop souvent de communiquer (transmettre des informations, retracer le récit des intentions…), mais où l’enjeu pourrait être de nommer ce qui, jusqu’alors, ne l’était pas.
En cela, ce programme a aussi portée de manifeste : travailler à des modes de relations horizontales, où le savoir serait construit de part et d’autre de l’écart, où par la loi des équilibres de forces la parole traduirait des pensées communes — non pas nécessairement une et identique —, et n’appartiendrait ni à l’un ni à l’autre.
Voici ce que disait Heiner Müller, dans le dernier entretien qu’il donna, quelques semaines avant sa mort :
Je lis en ce moment un livre étrange, fondé sur la philosophie du management, une tentative de l’ordonner et d’en tirer des règles de management. C’est un livre plutôt cynique et plutôt intelligent. Une thèse que je trouve très intéressante dit que, dans toute institution, on est à la recherche de solutions, de solutions à des problèmes. Mais c’est un point de départ totalement irréaliste, parce que le vrai problème est que, fondamentalement, il y a beaucoup de solutions mais trop peu de problèmes (il rit). Il s’agit plutôt d’inventer des problèmes, de trouver des problèmes et de leur donner de l’importance. Ensuite les solutions se trouvent toutes seules - elles sont dans toutes les poubelles. Mais les problèmes manquent. Naturellement cela inclut la conscience du problème. C’est, je crois, tout à fait juste, particulièrement pour le théâtre.
Et tout à fait juste concernant l’entretien : L’entretien, où l’art d’inventer des questions.
Inventer des questions, ce serait trouver des endroits d’où rendre possible ces questions — c’est donc bien en travaillant depuis des conditions d’énonciation renouvelés, aberrantes, détournées, idiotes — ou ignorantes — que pourrait s’arracher d’autres types de questions : non pas vérifier des faits, documenter une pratique, mais lancer des hypothèses, interroger le principe d’origine par exemple (quand on le pose depuis le fin), et de fin (quand on revient à l’origine par définition introuvable…), c’est depuis les mécaniques fatales de légitimation rendre lisibles ces aliénations-là, et travailler par frottement, où la réponse de l’artiste est une question adressée au chercheur et à lui-même à partir d’une question posée par le chercheur depuis une réponse lancée là par à l’œuvre : jeu de vertige, de spirale, de lignes croisées. Où questions et réponses s’imposeraient sur la page comme des blocs, posés, juxtaposés, coordonnées, non plus subordonnés — blocs tramant ensemble par à coups successifs des hypothèses sur l’art d’inventer des questions. Et je terminerai sur les paroles de Deleuze / Parnet, cette fois entremêlés puisqu’à l’issue des deux premiers chapitres, leur paroles se confondent :
« Il faudrait que le dialogue se fasse, non pas entre des personnes, mais entre les lignes, entre des chapitres ou des parties de chapitre. Ce seraient les vrais personnages. Perdre la mémoire : il faudrait plutôt dresser des « blocs », les faire flotter. Un bloc d’enfance n’est pas un souvenir d’enfant. Un bloc nous accompagne, est toujours anonyme et contemporain, et fonctionne dans le présent […] Ne pas « faire le point » : plutôt tracer des lignes. Les lignes n’ont pas d’origine, et poussent par le milieu. On ne fait jamais table rase, on est toujours au milieu de quelque chose, comme I’herbe. Plus on prend le monde là où il est, plus on a de chance de le changer… »