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à lire, à voir | usage littéraire de l’ipad

François Bon sur Libération

samedi 18 décembre 2010


Entretien de François Bon sur l’Ipad
à lire dans Libération : ouvrir l’atelier.


« Le Web se trouve sous la main »

Libération du 18 décembre

Recueilli par Frédérique Roussel

L’écrivain François Bon, pionnier du web littéraire, a ouvert en 2008 une coopérative d’édition de textes numériques contemporains, Publie.net. Cet adepte de la créativité liée aux nouvelles technologies ne se sépare plus de son iPad. Il explique pourquoi.

Quel est l’avantage d’une tablette tactile ?

L’iPad est idéal comme objet de lecture des contenus internet. Au lieu d’aller jusqu’à l’ordinateur, le Web se trouve sous la main. L’objet a une vitesse rapide d’interprétation du Web et il permet une lecture dense. Une application comme FlipBoard, disponible depuis juillet, reformate les contenus en ligne - images et textes - pour se faire sa propre mise en page magazine. Sur tablette, la lecture est intime, comme pour un livre ou un journal.

Vous lisez sur iPad ?

L’année dernière, j’étais professeur invité à l’université Laval de Québec et à l’université de Montréal. J’avais un Sony Reader que j’utilisais le soir pour mes lectures de base, Balzac, Proust, Saint-Simon, etc. C’est pratique pour promener une partie de sa bibliothèque. J’avais bien pris le pli. Avec l’iBooks (l’application d’Apple), la lecture est encore nettement plus confortable et plus efficace techniquement. L’écran LCD, que l’on dit moins agréable que les écrans à encre électronique des liseuses, ne me dérange pas. Il dispose d’une position sépia pour lire même dans le noir. Je l’utilise également en lecture publique, comme jeudi soir, sur la scène d’Ars Numerica, à Montbéliard. En revanche, je m’en sers peu pour écrire (sauf des mails), twitter ou poster sur Facebook. Par exemple, je peux lire en mode connecté la correspondance de Gustave Flaubert sur le site de l’université de Rouen et y faire des requêtes. Je cherchais l’autre jour une phrase de Flaubert qui exprime sa colère face au remplacement de la plume d’oie par la plume métallique : il m’a suffi d’écrire « plume » en occurrence…

Comment voyez-vous l’offre de contenus ?

Côté classiques, le lecteur peut notamment trouver 33 000 titres numériques gratuits sur le projet Gutenberg [bibliothèque en ligne créée en 1971 aux Etats-Unis, ndlr]. Quant aux textes sous droit d’auteur, les éditeurs doivent éviter les DRM [verrous numériques]. Quand j’achète un Valère Novarina publié chez POL sur Eden [la plateforme conjointe de Flammarion, Gallimard et La Martinière], je ne peux même pas faire de copier-coller. Comme l’offre légale en ligne reste maigre, nous échangeons entre nous des livres de Julien Gracq, Claude Simon ou Samuel Beckett… J’ai tout Beckett en PDF. Si je possède les œuvres complètes d’Henri Michaux dans La Pléiade, j’aimerais avoir Michaux en numérique, je serais prêt à payer le même prix. Mais les choses avancent quand même, comme le montre le récent lancement du « hub » dédié au numérique de Dilicom [système interprofessionnel de transmission des commandes de livres, ndlr]…

Quid de l’iPad pour lire la presse ?

Je lisais Libé le matin et Le Monde l’après-midi. Autrefois, on jugeait quelqu’un au journal qu’il avait entre les mains. Tout ça, c’est fini. Les sources d’information aujourd’hui sont diversifiées et on va indifféremment d’un journal à l’autre. Je lis les mêmes quotidiens sur mon iPad, mais je serais prêt à payer 20 euros par mois pour un abonnement à un bouquet.

Pourquoi Publie.net ?

Au Seuil, je recevais des manuscrits qui n’étaient pas compatibles avec la maison. Le numérique peut représenter un champ d’expérience que l’édition imprimée ne peut plus assumer. Aucun éditeur ne s’est senti prêt à le tenter. En 2008, j’ai créé cette coopérative d’édition numérique, Publie.net, qui permet de diffuser des textes contemporains mais aussi des ressources complémentaires aux livres (comme Olivier Rolin qui m’a donné des articles parus et introuvables).

La question c’est comment travailler dans un univers de métadonnées, intégrer la vidéo, travailler sur des multiples points d’accès… Comment va-t-on composer avec ça dans l’écriture ? La poésie est liée au texte. Or avec l’epub [format de fichier pour textes numériques, ndlr], la notion de page n’existe pas, le texte se recompose en permanence.

Cet atelier-là, il faut l’ouvrir maintenant.