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Partage des eaux & Estuaires | Écritures et vies

Récits des eaux : confluences des savoirs entre raison, émotions et création

lundi 16 mai 2022

Du 25 au 28 mai 2022 est organisé le colloque « Récits des eaux : confluences des savoirs entre raison, émotions et création », à Rimouski, par Camille Deslauriers, Kateri Lemmens et Dany Rondeau.

Si je regrette de ne pouvoir être au bord du fleuve personnellement, je proposerai, à distance, quelques approches autour de l’écriture entre la vie et sa réinvention — sous l’image offerte par le colloque des eaux et de leur ligne de partage.


Présentation du colloque

« C’est une baleinière qui fut pour moi Yale et Harvard », écrit Herman Melville dans son chef-d’œuvre qui fait de la poursuite du sens un absolu dévorant, tentaculaire, avide. De la philosophie à la cétologie, l’œuvre phare de Melville traverse les disciplines et les savoirs, toise l’infini et en fait sa quête, comme si la quête elle-même, à l’image d’une mer sans fin, ne devait connaître aucune limite. Ce colloque vise à appréhender et à raconter l’eau (fleuves, mers, rivières, bassins hydrographiques, lacs, ruisseaux, glace de mer, banquise, etc.) en pensant les rapports entre la science, la philosophie, l’éthique, la psychologie, la création et la littérature. Il cherchera précisément à penser et à dire ces rapports que peuvent réaliser les maillages et les rencontres disciplinaires lorsque l’on cherche à mieux saisir un ou des phénomènes, sans perdre de vue la complexité de nos manières d’être, de réfléchir, d’appréhender et de sentir. Que peuvent nous révéler les jumelages, les croisements, les hybridations disciplinaires non seulement sur les phénomènes appréhendés, mais bien aussi nos modes d’être, de sentir, de penser et d’exprimer ? Ainsi, peut-être en raison de la complexité des menaces qui pèsent sur l’environnement et les écosystèmes, peut-être en raison d’une amorce de retournement de la science vers l’expressivité et la singularité conférées aux disciplines artistiques, on voit émerger des œuvres et des projets de recherche qui intègrent la création à la science et à la création une approche de phénomènes scientifiques ou des éléments appartenant aux autres humanités ou encore aux réflexions éthiques, politiques ou philosophiques et même psychologiques, notamment lorsque vient le temps d’appréhender des enjeux de compréhension et d’interprétation des mers, fleuves, lacs et rivières. Que nous disent l’art, la philosophie et la littérature sur l’éco-anxiété liée aux mers, aux cours d’eaux ou aux étendues d’eaux, à la dynamique de la banquise ou encore sur les enjeux de notre compréhension de ces derniers à l’heure de l’anthropocène ? Comment des approches comme la géopoétique, l’écopoétique, la phénoménologie, l’herméneutique, la sémiotique, la philosophie, les humanités environnementales ou encore l’éthique peuvent-elles nourrir ces potentialités d’exploration et d’expression ? Comment les paroles, œuvres et témoignages des Premières Nations impliquent-ils des connaissances et des savoirs actifs et habités des éléments aquatiques et glaciaires et comment les racontent-ils ? Comment les écrivain.e.s et les artistes comprennent-ils et racontent-ils la pensée, la science et surtout les émotions dans les œuvres portant l’eau et ses manifestations physiques et géophysiques ? Dès lors, quels processus, protocoles, dialogues, déplacements de la science à la création ? Et comment les pratiques et les genres de la création littéraire (essai, poésie, fiction narrative, théâtre, etc.) explorent à leur manière ces échanges, transpositions, questionnements ? Quelles notions peuvent, en retour, nous permettre d’appréhender ces passations de savoir ou les rapports au monde exprimés à l’occasion de tel projets de recherche-création ?


Ma proposition de communication

Partage des eaux & Estuaires
Écritures et Vies

Nous sommes dans les méandres de la lagune de Lagos, immense et incompréhensible zone hydrographiques de l’Afrique Occidentale — hydrographique : littéralement, ce qui s’écrit par l’eau, texte tracés des creusements du fleuve sur la terre, récits de l’eau par quoi se constituent le langage d’éprouvé de signification, mais non pas de sens, des éléments. Le sens, on le sait, il va toujours vers le plus large. Les fleuves de l’Ogun et Osun se répandent, comme si la terre était à ce point du monde éventrée : entre les bras écartelés des fleuves, la ville de Lagos semble éparpillé, discontinu, saupoudré sur la terre

Les eaux qui ont pris leur source près de 300 km plus au nord dévale le monde jusque là, enserrant Lagos et sa banlieue interminable, ses faubourgs sans d’autres horizons qu’eux-mêmes. La scène est donc ici, mais où ? C’est la lagune. Qu’est-ce à dire ?

Nous sommes en 1977. Nous sommes toujours en 1977 quand nous ne savons pas où et quand nous sommes. Le dramaturge — il ne l’est pas encore tout à fait — français (mais il aura toujours au fond honte de l’être) Bernard-Marie Koltès est là, parmi la lagune, c’est-dire nulle part, et d’ailleurs il se cherche littéralement. Il est venu ici pour se trouver : ailler ailleurs voir s’il n’y est pas et en effet, il n’y et pas : il n’y a que de l’eau. Mais quelle eau au juste ? Koltès est venu au fond du monde (« à présent je suis au fond du monde » avait lui aussi constaté Rimbaud au cœur déchirant de Sa Saison en Enfer, au bord du fleuve de l’oubli et de la mort), au fond du monde moins pour « chercher du nouveau et trouver de l’inconnu », que pour arracher la matière d’une pièce qu’il rêve, sur les folies meurtrières des politiques coloniales françaises, sur le pillage et la mise à mort de l’Afrique par les velléités racistes de l’impérialisme bourgeois, il est venu là pour mettre à l’épreuve de la réalité sa pensée nourrie de marxisme les quelques années précédentes et voir si elle allait résistait. Elle ne résiste pas à la complexité terrifiante de ce réel ici répandue en désordre dans les marais qui l’entourent. Sa vie, qu’il aurait voulu dédiée à une cause (la Révolution) par l’écriture, s’est comme noyée ici avec ses théories.

Non, vraiment, la lutte des classes n’est ni une chose simple, ni même prévisible [écrit-il dans une lettre à son mentor en écriture et en politique, l’homme de théâtre Hubert Gignoux] ; les voies de la lutte des classes sont impénétrables ! Comment croire une révolution possible dans les marais de l’incohérence, de la corruption, de la morale (apparente) du profit et de la servitude acceptée. Tout est là pour que l’explosion ait lieu, et l’explosion semble impossible. Les lois des antagonismes sociaux sont si peu mécaniques que... on finit par douter de leur existence.

Les marées de l’incohérence sont ceux de la situation politique, enchevêtrées dans des contradictions sans fins, et de sa vie même, qui perd ici une part de sa raison d’être, et même de sa réalité : jusqu’à douter de sa propre existence.
Ces pensées, Koltès les formule là dans cet espace qui n’est pas seulement le décor et le témoin, l’élément révélateur comme en chimie de cette vérité terrible, qui lui arrache ses illusions et le plonge, le plongera à jamais dans une sorte de désespoir lucide, d’obstination à regarder le monde en face, de douceur intraitable à l’égard du réel, non, ce n’est pas seulement un réseau hydrographique, une étendue d’eau qui l’entoure et dans lequel il est intellectuellement piégé, c’est aussi et surtout une métaphore — métaphore qui propose tout à la fois un lieu et une formule (pour le dire avec les mots de Rimbaud), une formule de conjuration.

Car Koltès poursuit cette lettre et écrit.

Je pensais à cela dans la lagune, région qui n’est ni la mer ni la terre, lieu mystérieux, déroutant, incompréhensible, où il faut, pour s’assurer que l’on est bien quelque part, arracher au passage une motte de terre et l’écraser dans sa main, plonger son bras dans l’eau et ensuite le lécher pour sentir qu’il est salé ; alors seulement, dans cet espace apparemment si abstrait, on peut croire qu’il est à la fois fait de mer et de terre, et qu’à un moment donné, en avançant encore au milieu de l’indécision de la lagune, un jour, on aperçoit le grand large.

Qu’est-ce que c’est que le monde ? C’est une matière brutale, élémentale, physique et sensible, sensorielle. Dès lors, pour se repérer dans le monde, et s’orienter dans son existence, Koltès découvre qu’il n’y a qu’une façon de le faire : boire le monde.

Il raconte ce geste (dans lequel on peut lire la conjonction du geste politique et du geste d’écriture : à la fois une métaphore et une action physique concrète, qui rejoue celui de l’enfance) : plonger sa main dans l’eau, et goûter l’eau. Car c’est toujours ce que fait instinctivement un enfant quand il découvre la mer ou qu’il nage dans un fleuve. Pour la connaître, il la boit.

(Je songe à cette phrase de Mao Zedoug, dans son livre De la pratique, essai sur les enjeux de l’expérience, où il écrit d’une simplicité presque émouvante dans sa vérité : « Si l’on veut connaître le goût d’une poire, il faut la transformer : en la goûtant. […] Toutes les connaissances authentiques sont issues de l’expérience immédiate. »)

Boire l’eau, ce n’est pas l’absorber pour l’abolir, c’est la transformer en corps, c’est la faire nôtre, en tant qu’on va devenir autre, c’est arracher sa force et poursuivre le cours du fleuve : c’est devenir soi-même le lit du fleuve).
Mais l’expérience de Koltès est plus complexe encore : c’est que l’eau de la lagune n’est pas de l’eau de mer, ni de l’eau du fleuve. C’est déjà de l’eau salée alors que la mer n’est pas en vue. C’est une mer sans mer, dépourvue de large : c’est un fleuve altérée, au sens où l’altération naît de l’altérité.

S’il s’agit d’une expérience politique autant que mystique, c’est parce que renouer aux forces élementaire du monde, renouer à l’enfance, renouer à cette confiance aveugle dans la sensation (toucher la motte de terre et l’écraser dans sa main ; lécher ; sentir le sel ; goûter…), permet de se repérer dans l’ordre des choses, ou plutôt le désordre du monde.

Or, où est-on, où est-il ? Pour le savoir, il lui faut faire un autre geste : « avancer encore au milieu de l’indécision de la lagune ». Marcher dans l’indécision du fleuve mer, ce n’est pas aller quelque part dans la certitude du but, c’est placer dans le geste d’aller la foi que le pas fera se lever l’horizon, et que c’est par la marche que s’invente le chemin — chemin qui est ici littéralement le cours du fleuve, le cheminement de l’eau. Et ce chemin, au terme de la marche dévoile davantage qu’un point d’arrivée, qu’une borne ou une butée du voyage : il fait se dresser l’horizon comme large, grand large, espace sans limite, ni frontière : « l’univers, écrivait le physicien Hawkins, est un espace fermé sans bords ni frontières ». On pourrait ajouter : un large, un grand large.

La saisie de notre situation dans le monde se joue ainsi dans le corps. Et c’est qui la constitue comme acte d’écriture : essai de localisation, de désignation, d’exposition du corps à la blessure — et d’en allée.

Car là réside peut-être le secret de la métaphore : l’eau figure ici le lieu où se nomme la fonction de l’écriture comme espace de sensation physique, d’action sur le monde qui puise dans le monde les forces de désigner où nous sommes dans l’ordre des choses et de l’histoire, plutôt d’ailleurs que qui nous sommes dans une perspective plus pauvrement identitaires et essentialiste. Où nous sommes et vers où nous allons : voilà ce que peut dire l’estuaire pourvu qu’il invite à agir sur lui non pour détourner le cours, mais pour s’y inscrire comme une des forces qui le parcourt.

Ainsi, Au cœur de ce monde à la dérive, le seul recours pour se repérer est la sensation physique du monde : arracher un peu d’herbe pour savoir s’il s’agit de la terre ou de la mer, reconnaître qu’on ne peut démêler les choses et qu’il ne s’agit pas de deux éléments distincts, mais d’un troisième, fabriqué par la nature singulière de l’espace. Le monde a inventé ici une manière neuve de se faire, qui entrelace tant les matières qu’il devient illisible, mais dont l’illisibilité devient le graphème du réel, sa syntaxe, le propre de son récit : un poème.
De fait, impossible de ne pas penser à un autre poème de Rimbaud, qui s’avère être l’un de ses tous premiers, dont le titre propose déjà, dès l’enfance de l’écriture (Rimbaud n’a pas seize ans) le programme d’une vie : Sensations.

Par les soirs bleus d’été j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue 

L’approche est similaire : sentir la terre pour s’y orienter, faire de l’expérience du monde avant tout une expérience sensible, où la marche, même rêvée, même posée dans l’avenir d’un récit de fiction, est une manière de rejoindre et faire du texte l’espace de la sensation et de l’orientation. 

Sensatin de l’espace qui résonnera à distance avec la sensation du temps dans un des derniers poèmes de Rimbaud : qui chante la joie indicible des retrouvailles et l’accomplissement du monde.

Elle est retrouvée !
– Quoi ? – l’Éternité.
C’est la mer mêlée
Au soleil

La compréhension du réel ne peut se fonder que sur une telle perception radicale du monde, physique, métaphysique, sensorielle, sensuelle. Et la marche (chez Koltès comme chez Rimbaud, l’homme aux semelles de vent) y est ici la métaphore et l’attitude éthique face à l’existence, en même tant que pratique concrète d’éprouver le temps et l’espace, cette seule façon de frayer une voie dans la terre.

Il est étrange que cette image de la lagune incertaine existait déjà avant la rencontre avec l’eau, dans une lettre de 1975, au détour d’un poème déposé dans une lettre (Koltès n’a laissé aucun poème, excepté quelques très rares dans de très rares lettres : par exemple celui-ci « Et j’ai rêvé que nous étions lagune / ou marais / ou boue / endormie dans la lumière de l’aube . »

Cette expérience n’a pas lieu dans n’importe quel lieu : la lagune de Lagos, cet espace de la révélation, est un estuaire qui seul est capable d’allier les contraires — alliance d’une très puissance fécondité agricoles et civilisationnelles depuis les premiers jours de l’Humanité. Ce territoire de la séparation (séparation dans laquelle règne le contraire de l’hostilité : c’est là aussi une leçon politique), consonne avec un autre espace de la séparation et de l’alliance, qu’est la ligne de partage des eaux, qui pourrait offrir une semblable image tout à la fois concrète et métaphorique d’une perception de l’écriture comme sensation.

La ligne de partage des eaux désigne cette frontière entre deux bassins versants : de part et d’autre, l’eau s’écoule suivant deux directions opposées : elle matérialise une séparation irréductible, puissante, fatale. Mais cette séparation est aussi ligne — désignation du lieu commun où quelque chose a lieu.

D’une part l’écriture, et d’autre part la vie. Non comme deux éléments distincts, mais comme deux revers : ou comme les deux surfaces d’une même page (il est impossible, on le sait, de lire le recto et le verso en même temps). Cette ligne de partage par où s’écoule de part et d’autre l’expérience est celle qui lie et déchire l’écriture et la vie.

La vie se vit d’un côté et elle s’écrit à l’inverse, c’est-à-dire que j’ai le sentiment que les choses, les expériences que je vis et les gens que je côtoie à partir du moment où je les écris, je les mets à mort en quelque sorte. C’est d’ailleurs un peu le problème, le seul problème que je me pose en tant qu’écrivain : c’est que quand je vis des expériences et quand je rencontre des gens, je sais qu’un jour ou l’autre, ils vont me servir de pâture. Je vais m’en servir pour les écrire, si je peux dire. Et à partir de ce moment-là, je ferai une œuvre de mort, vis-à-vis de cette expérience vécue et vis-à-vis de ces gens que j’ai rencontrés. Non pas que j’éprouve un sentiment de culpabilité vis-à-vis de cela. Mais disons que j’éprouve une certaine difficulté à doser l’existence d’une part et à lui garder son indépendance par rapport à l’écriture, et d’un autre côté à continuer à écrire. Et je sens des deux côtés, à la fois du côté de l’existence et à la fois du côté de l’écriture, une attirance pour vivre l’un et l’autre d’une manière entière et je sais très bien que ce n’est pas possible.

L’impossible n’est à ce titre pas le terminus de l’écriture, mais sa condition : ce qui rend possible le grand large. C’est l’espace dans quoi l’écriture elle-même fraie, et ce qu’elle opère, vivant, dans le cœur des choses : ce qu’elle déchire. Entre l’écriture et la vie existe une impossible fusion : ce pourrait être comme une définition — l’écriture ce n’est pas la vie, c’est ce qui nomme du dehors les possibles de la vie ; et la vie ne peut s’éprouver que quand elle ne s’écrit pas — pourvu qu’elle soit l’appui de l’écriture, elle aussi, la condition.

Ecriture et vie : partage, en tant que séparation et jonction : l’une venant quand l’autre s’interrompt – car si l’écriture a lieu, c’est au lieu même où la vie cesse d’avoir lieu. Et cependant, ce « contraire de la vie » ne peut se produire aussi qu’au nom de la vie. Car si c’est de la vie que naît l’écriture, c’est « pour qu’au retour du silence une langue naisse », écrivait Hölderlin.

Et c’est dans la vie que se puise la soif d’écriture, que rien n’étanchera que l’écriture, qui donnera, en recourt cette soif de vivre. Penser les relations de l’écriture et de la vie se fait moins en termes de dialectique, ou d’opposition, que de partage : de lignes de partage.

Écrire, c’est ne plus mettre au futur la mort déjà passée, écrivait Blanchot, mais accepter de la subir sans la rendre présente et sans se rendre présent à elle, savoir qu’elle a eu lieu, bien qu’elle n’ait pas été éprouvée, et la reconnaître dans l’oubli qu’elle laisse, et dont les traces qui s’effacent appellent à s’excepter de l’ordre cosmique, là où le désastre rend le réel impossible et le désir indésirable.

La mort n’est pas l’avenir de l’écriture : écrire commence quand la mort a eu lieu, quand une expérience a été éprouvée et qu’elle a fini, qu’elle est morte et que depuis cette mort on va l’écrire : n’est-ce pas ce que dit la ligne de partage qui laisse toujours en amont l’origine pour aller sans cesse vers au-delà de lui qui est l’aval.

Il y a un mot qui dit l’emportement de la mort, qui dit tout à la fois l’exécution et la vie en appel, qui dit ce qui toujours aura lieu parce qu’il a eu lieu, qui dit le désir non comme trace d’un manque, mais comme geste d’accomplissement : comme signe abolissant le dehors et le dedans pour témoigner de la vitalité toujours recommencé de la vie. C’est la soif.

Les pigeons qui tremblent dans la prairie ,
Le gibier, qui court et qui voit la nuit ;
Les bêtes des eaux, la bête asservie ;
Les derniers papillons ... ont soif aussi. [1]


[1Arthur Rimbaud, L’Enfer de la soif