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Valparaiso (& Dominique A) | Marais Hautes

Le mot est une légende, une image

vendredi 16 juin 2017

Marées hautes interprété par Valparaiso et Dominique A,
extrait de l’album Broken Homeland, à paraître le 22 septembre 2017
Extrait disponible sur toutes les plateformes
Premier EP "Winter Sessions" disponible sur - Deezer ou Spotify

Et se perdre dansle site obscur et lumineux de Valparaiso [1]
ou sur leur page Facebook


Valparaiso. Le mot est une légende, une image : pour moi, souvenir de ces quelques jours d’adolescence, passage au Chili, un jour à Valparaiso – la couleur des maisons, la hauteur de la colline, la violence du ciel dans la chaleur insoutenable. C’est désormais pour moi aussi la folle beauté d’une musique.

Valparaiso : c’est la suite de Fitzcarraldo, ce projet merveilleux qui, en 2008, faisait suite au déjà merveilleux Jack The Ripper (je garde des traces de la brûlure, ici, ou là). L’idée folle de Fitzcarraldo : ne pas remplacer le chanteur de Jack The Ripper (Arnaud Mazurel), mais proposer un chanteur différent par chanson – tellement à l’encontre de ce que promeut l’industrie du disque aujourd’hui. Alors dans ce déplacement des perspectives et des centralités, toute une manière de prendre position dans l’ordre plus générale des choses. L’album du projet The Fitzcarraldo Sessions n’est pas une merveille : c’est davantage. Il faut écouter We Hear Voices, en silence.

Le nom des musiciens : les cousins Thierry (basse et contrebasse) et Hervé (guitares acoustiques et électriques) Mazurel, et Adrien Rodrigue (violon), présents depuis Jack The Ripper, rejoints par Aka de Kebnekaize (trompette), Alexandre Irissou (piano et claviers), Dominique Martin (guitares électriques et piano), Fabio Fenaux (batterie) – ont invité leurs amis : Moriarty, Stuart Staples (Tindersticks), Phoebe Killdeer (Nouvelle Vague), Dominique A, Syd Matters, Blaine Reininger (Tuxedomoon), Joey Burns (Calexico), Paul Carter (Flotation Toy Warning), Craig Walker (Archive), 21 Love Hotel, El Hijo (Migala).

2015. C’est un autre début : il y a toujours, dans ce projet insensé, des débuts — puisque chaque titre est un recommencement, une nouvelle voix, de nouveaux chemins qui s’ouvrent. C’est Valparaiso. Ses visages connus – Phoebe Killdeer, et Dominque A, encore – et nouveaux : il y a Howe Gelb, et Christine Ott, et Shannon Wright, et Frédéric D. Oberland et quelques autres.

Valparaiso, c’est aussi un projet qui se construit pas à pas, chansons après chansons, vidéos après vidéos – enregistrement après enregistrement.

et film après film :

Deux titres étaient déjà parus : lumineux, denses, féroces et doux. À chaque fois, une vidéo accompagne la chanson qui devient en elle-même un film autonome, précieux – sculpté dans la voix. Oui, c’est Valparaiso : des constellations que relient un désir, mais dont chaque bloc de splendeur rayonne tel qu’en lui-même, solitairement, et fraternellement.

Il y a eu d’abord Wild Birds, chantée par Phoebe Killdeer, l’été 2015, accompagné d’un film réalisée par Christophe Cousin et Thierry Mazurel.

Puis coup sur coup, en avril de cette année, deux titres chantées également par Phoebe Killdeer : Rising Tides (avec Howe Gelb) - et son film réalisé par Tina Kazakhishvili

et Broken Homeland – et un film réalisé par Thierry Mazurel


Ce soir, j’écoute en boucle le troisième : Dominique A pose sa voix sur des Marées Hautes. L’affrontement de la voix avec le récit dont on ne sait jamais ce qui est la métaphore de quoi : la vie, des marais qui montent ; ou ces marées menaçantes, de la vie qui fragile pourrait tout emportée et nous avec, de nos rêves, de nos croyances, de nos projets. Dans la voix de Dominique A, la rage quand elle surgit et qu’elle devient de la douleur, cette brisure juste avant qu’elle ne s’effondre, ou qu’en elle affleure une patience, secrète, terrible, de tout dire en si peu. Dans la voix de Dominique A, les récits de mer qu’il jetait déjà dans des chansons précédentes (ô l’horizon…), et dans la voix de Dominique A, l’enfance de la rue des marais – dont le mot fait écho, et l’expérience, et la fragilité digne et puissante de ce qui ne s’oublie pas, jamais.

Le film est évidemment superbe – réalisé par Richard Dumas et Amaury Voslion, (avec la présence des actrices Jessy Salomée Ugolin et Priscilla de Laforcade) [2]

Je tâche d’en écouter les paroles – pour n’en retenir que le sel comme sur une blessure.


Marées hautes
dures ô sentiments
visages émaciés sur la digue
que faire de sa colère
que faire de sa fatigue
fable validée sous serment
marées hautes
tu y croyais comme l’enfant peut croire
à qui la faute
alors va pour la partager
mais en être accablé à d’autres
marées hautes
traitrises des hautes marées hautes
chemises noires délavées
quelle idée aussi de lutter
quand le vent va de ce côté
regards perdues sur la digue
des récifs donnent sans compter
naufrages
naufrages
ton âge t’y a préparé
naufrages
combien pour t’y pousser
traitrises des roses
marais hautes
comment c’est déjà de trembler
larguer
mais c’était pas ta faute
lester de plomb qui peut flotter
marais hautes
visages tendus sur la digue
aimant [?] à me retourner
oh les yeux vides
abandonnés aux éléments
aux argument de la fatigue
marais hautes
trahies tout ce sentiment
faut-il alors de la confier
ne sacrifier
aux marées brunes marais hautes
par un naufrage soulevées
marais hautes


[1made with love by CN

[2(P) 2017 Maelström & Zamora Label