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Quand la nuit vient | Le Cimetière #34
jeudi 20 juin 2019
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Il faisait parfois ce détour.
Voir les tombes, les noms, les dates. Respirer la poussière ici, et marcher dans les allées sans but qui toutes finissent par déboucher sur une porte ouverte dans la ville. Ici, il marchait plus lentement ; ici, les chats sont sauvages et les hommes rares. Il y avait plus souvent de vieilles femmes aussi sauvages que des chats, aussi mortes que la plupart des corps en poussière ici. Lui ne faisait que passer.
Et puis, il aimait lire sur la plupart des pierres la simple phrase qu’on y avait gravée. Il imaginait le temps passé pour les vivants à construire ces phrases de quelques mots qui resteront lisibles pour l’éternité des vivants et la solitude des morts. Il rêvait devant ces phrases où aurait dû se déposer l’absolue singularité de soi devant le scandale de la vie et celui de la mort : et pourtant ces phrases étaient les mêmes partout.
Il y a des corps d’enfant ici : des cadavres nés après lui et morts déjà – ses propres dates formaient comme des parenthèses qui entouraient ces corps. Il marchait auprès de cela aussi. Il croisait parfois ceux dont le travail est de creuser les trous ; l’antique travail. Il surprenait les conversations banales et les rires. Il croisait tout près ceux qui viennent d’enterrer leur amour, leur enfant, leur père, et qui ne savent pas qu’ils sont morts eux aussi, morts plus sûrement.
Il aimait respirer dans le vent la poussière de ces poussières qui l’entouraient. Il aimait par-dessus tout la couleur de la terre ici. Et il aimait le vent qui s’engouffrait là pour tout emporter.
Oui, il venait pour cela : ce détour qu’il faisait pour rentrer chez lui.