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dépôt de lumière (vies et mort de Milon de Crotone)

dimanche 22 septembre 2013


nm (si-smo-gra-f’)

Terme de physique. Instrument destiné à indiquer l’intensité des tremblements de terre.

Le sismographe thermo-électrique a signalé un frisson continuel du sol avec des secousses de tremblement de terre.


On raconte (je n’en crois rien) que Milon de Crotone, le plus grand athlète de tous les temps quand les temps étaient jeunes, avait traversé le pays (on ne sait pas lequel) et croisa un chêne fendu qu’il décida de fendre davantage – c’était un piège. Ses mains prisonnières du chêne, Milon de Crotone — l’athlète invincible — fut dévoré par des loups. L’histoire est sans doute fausse, on ne le saura jamais. C’était peut-être des tigres, des lions, des chiens, des rats.

Est-ce la statue de Milon de Crotone, fils de Diotime, six fois champion olympique, sept fois vainqueurs aux jeux pythiques, neuf aux jeux néméens, dix aux jeux isthmiques — sur le vieux-port de Marseille, immobile ?

Je ne sais pas – on raconte tant de vies [1]
de Milon de Crotone qu’il y en a une pour chacun d’entre nous ; moi, je pense au chêne, je pense à sa fêlure qui était un désir, qui n’était qu’un appel.

Je pense à la foi des animaux sauvages aussi, à la compassion des animaux sauvages pour l’emprisonnement du pauvre homme : ses hurlements au-dessus de ses mains en sang.

Puis, lentement, je ne pense à rien de tout cela ; sismographie du jour, ce journal : je pense aux forêts autour, et à la vanité de celui qui voulait fendre ce qui était déjà fendu. Je pense à la largeur des forêts quand on entre en elle, et qu’elles reculent à mesure qu’on s’y enfonce. Je pense à toutes les vies qu’elles possèdent, mille fois plus et davantage que Milon de Crotone.

Sur le vieux port de Marseille, je ne pense ni à Milon ni aux forêts auxquels je pense ce soir en notant à la volée ces pensées, je pense : la lumière est juste, et sous elle, nous sommes là justement (simplement) là pour la recevoir comme si c’était de la lumière qui viendrait se poser, là.


[1Wikipédia le dit, qui se trompe souvent